Un, deux, trois, nous allons aux bois! [Terminé]

[J'vais commencer par décrire ma réaction à la fin du sujet précédent, j'enchaîne sur la suite...]

[Fin du sujet Le commencement d'un périple]

Suivant le conseil de l'almaâri, le chasseur décida de se mettre en route... Ils avaient devant eux plus d'un mois de voyage à réaliser, ce ne serait pas de tout repos... Et ils ne devaient pas perdre de temps, c'était déjà bien assez de marcher aussi longtemps sans en plus se rallonger le voyage de façon inutile. Oryll se remit sur ses pieds, se dressant devant Lumilevy et lui faisant un clin d'oeil... Ce n'était pas des almaâri qui allaient les séparer, il en était sûr, le danger ne lui faisant pas vraiment peur -c'était quelque chose de gênant qu'il préférait éviter, mais apparemment on ne lui avait pas laissé le choix- donc il la suivrait... La jeune elfe face à lui avait du comprendre cela.

Reprenant ses anciennes habitudes de chasseur, il récupéra quelques quartiers de viande restants, et les chargea sur son épaule, pour pouvoir les transporter plus aisément... Avoir des provisions supplémentaires était toujours une bonne idée, c'était Kebra qui le lui avait enseigné à la base, et l'habitude lui était resté... Dorénavant, il se sentait plus en sécurité avec deux ou trois jours d'avance au niveau de la nourriture -ce qui était le cas maintenant. Une fois ceci fait, Oryll se mit en route, marchant d'un pas long et assuré vers le sud, pour commencer par contourner Simëdan. On lui avait dit un jour de ne pas regarder une longue tâche directement en face, c'était toujours décourageant, mais de la décomposer en petite partie et de continuer... Eh bien c'était exactement ce qu'il était en train de faire, un pas après l'autre maintenant... Ils y seraient dans quelques temps, mais au moins ils y arriveraient, il en était sûr.

[Partie voyage]

Silverleaves. Enfin. Le terme du périple qu’ils venaient d’accomplir en plusieurs semaines… Eh bien, le chasseur n’était pas fâché d’arriver… Non pas que la marche lui avait déplu, la compagnie de Lumilevy et les grands espaces qu’ils avaient visité lui avaient été agréables, mais il n’était encore jamais venu ici… Et découvrir cette terre inconnue de presque tout le monde l’excitait un peu, il était vrai… Enfin, ils n’étaient pas encore arrivés, le couple pouvait simplement voir la lisière de la forêt loin devant eux, à encore plusieurs dizaines de minutes de marche… C’était la veille qu’Oryll avait aperçu le premier les frondaisons des bois, et avais prévenu sa compagne qu’ils approchaient de leur objectif…

Maintenant, il fallait se montrer prudent, les almaâri n’étaient pas vraiment connus pour leur sens aigu de l’hospitalité, et peu d’humain qui s’étaient aventurés sous ses feuilles en étaient ressortis sain d’esprits… Ou même simplement ressortis vivants en fait. Le drôle de couple marchait maintenant sous un ciel chargé, les nuages étaient tels de gros moutons grisonnants au-dessus d’eux, qui se déplaçaient peu à peu à cause du vent qui devait régner en altitude, mais qui les laissait tranquille ici… Enfin, c’était tant mieux, il avait encore plu la veille, et leurs vêtements n’avaient pas eu le temps de sécher totalement, une rafale les aurait frigorifié, et un vent continu aurait été vraiment gênant.

Les troncs centenaires semblaient ne pas vouloir d’eux, ils étaient serrés entre eux, comme pour former une barrière infranchissable, et repousser les inconnus… Les habitants avaient modelé cette forêt à leur image… Solitaire, sombres, isolés… Mais ces arbres n’étaient pas qu’une barrière, les nœuds du bois étaient autant de prises offertes à un potentiel grimpeur, et du haut de leurs branches, on pouvait sans doute apercevoir toute la plaine… L’endroit idéal pour un guetteur. D’ailleurs, Oryll ne doutait pas du fait qu’ils soient tous deux repérés depuis longtemps, cela lui semblait plus que probable…

Ils marchaient côte à côte, sans s’adresser un regard, simplement satisfaits par la présence l’un de l’autre… Présence qui, bien que silencieuse, semblait au chasseur aussi chaude qu’une étreinte, et aussi réconfortante que celle-ci. Le couple n’était pas du genre à se lancer dans de grands discours, et la plupart de leurs moments passés ensemble étaient silencieux… Pendant ce mois et demi de marche, Oryll avait appris à connaître la jeune elfe du crépuscule qui l’accompagnait, ses habitudes et sa manière de pensée… Enfin, connaître était un bien grand mot, elle se montrait encore assez secrète, ce n’était pas vraiment son style de tout étaler au grand jour, ses pensées comme sa personnalité… Il l’avait compris, et avait décidé de ne pas la presser.

Les herbes étaient haute encore, et lui arrivait presque au genou… La plupart des brins portaient encore de fines gouttes de la rosée du matin, même si c’était maintenant le début d’après-midi. Ils venaient de manger et de se remettre en route, décidé à arriver dans les plus courts délais… Le trajet se faisait long. Après environ une demi-heure de marche dans le silence le plus totale, troublé uniquement pas les animaux qui couraient entre les herbes, faisant tomber les gouttes qui explosaient en autant de petite perle translucides. Quelques oiseaux piaillaient, montrant que finalement, la lisière de Silverleaves n’était pas totalement déserte… Ce qui aurait d’ailleurs étonné Oryll, il restait persuadé que des guetteurs almaâri les épiaient en ce moment même et allaient informer à tout moment –si ce n’était déjà fait- leurs camarades de la présence des deux personnages ici. Une petite vingtaine de mètres avant d’entrer sous les premiers arbres, qui étaient en fait tous collés les uns contre les autres, une petite sente créait un passage, mais semblait s’effacer peu après, le chasseur stoppa brusquement, scrutant les frondaisons pour y repérer un éventuel elfe du crépuscule. Lumilevy vit son mouvement car elle s’arrêta au même instant. L’homme prit la parole d’une voix sérieuse :

« -Tu sais un peu à quoi nous devons nous attendre ici ? »

Son regard passait de branches en branches, à la recherche du moindre détail qui pourrait se montrer intéressant… Mais il ne trouva strictement rien, soit il n’y avait véritablement personne, soit ils savaient se montrer assez discret pour ne pas se faire repérer… Il pencha pour la seconde solution, sans en avoir de preuve certaine. Finalement, abandonnant sa recherche qu’il pensait désespérée, il se retourna vers sa compagne qui était largement plus petite que lui. Ses yeux se plongèrent dans les siens, comme souvent lorsqu’ils étaient ensembles… Le danger ne lui faisait pas peur s’il l’affrontait avec elle, la n’était pas vraiment le problème, mais s’ils prenaient des risques et que lui n’en était pas informé, ils en courraient des supplémentaires bien inutiles.

Il avait repoussé cette question pendant tout le trajet pour ne pas donner l’impression qu’il voulait tout savoir du passé de Lumilevy, même si cela l’intéressait, il ne voulait pas s’immiscer dans sa vie privée… Mais dans le cas présent, ses relations avec son peuple allaient se révéler relativement importante, alors autant être tenu au courant.

[Pavé César, celui qui ne s'est pas relu se salue!]

Le voyage avait été long, et enfin, ils voyaient la lisière de Silverleaves. Après un mois et demi de marche, le couple avait enfin aperçu, loin, très loin sur l'horizon, la sombre et inquiétante forme des forêts de Silverleaves, inquiétantes et secrètes. Toute la durée du trajet avait été silencieuse, le couple était resté dans le stricte nécessaire de paroles, étant l'un et l'autre secret et solitaire. Maintenant, l'elfe se retrouvait face à son passé, la gorge et les poings serrés, le ventre noué. La veille, Oryll l'avait prévenue qu'ils approchaient, ayant vu la forêt au loin. Et il avait vu juste. Après cette longue marche, il n'étaient plus qu'à un jour de la futaie d'argent. Maintenant, ils n'étaient qu'à quelques dizaines de minutes, rapprochant encore et toujours l'Almaâri des siens... Qui l'effrayaient.

Durant leur voyage, Lumilevy s'était préparée à leur arrivée. Elle s'était laissée submerger par certains souvenirs, de façon à faciliter leurs déplacements entre les larges et sombres troncs et branchages. Mais au milieu de tous ces souvenirs, un était apparu plus net. Une toute petite cabane, haut perchée et peu fréquentée. Dedans, des livres, beaucoup de livres. Des vieux bouquins utilisés par certains Almaâris, les mages. Elle se souvenait en avoir ouverts quelques uns, les avoir feuilletés, sans vraiment comprendre ce qu'elle lisait. Puis un visage lui était revenu. Un vieil elfe du crépuscule. Il lui avait longuement enseigné la magie, ses secrets, ses particularités. Il lui avait offert tout ce qu'il savait. Puis il était parti.

La jeune femme avait alors tout oublié de cet art, et s'était entièrement consacrée au combat au corps à corps en compagnie de son père, de ses amis, de tout le monde. A chaque instant libre qui s'offrait devant elle, au lieu de grimper dans la haute cabane, elle allait combattre avec son père, ou battre le métal avec son maître forgeron. Elle était entourée de la violence des armes, et de l'amour du feu qui venait lécher toutes ces lames qu'elle préparait soigneusement, suivant conseils et règles. Au milieu de toute cette rage guerrière, elle en avait même oublié le moindre mot magique, la moindre étincelle. Puis quand elle avait fuit les forêts, elle ne s'en était pas rappelé. Tout tournait alors autour de sa fuite, son pères, ses proches, ses amis... Tout partait alors en fumée autour d'elle, devant ses yeux alors embués de rares larmes.

Mais durant son retour aux sources, elle avait pris le temps de se poser les bonnes questions, de se laisser hanter par les bons souvenirs. Alors elle avait décidé de s'y remettre, grâce à tous ces souvenirs qui s'entassaient dans un coin bien chaud, bien confortable de sa mémoire. En marchant aux côtés silencieux d'Oryll, elle avait pris le temps de réfléchir. Il serait pratique d'unir magie et corps à corps. Alors, en marchant, elle essayait de se remémorer ce qu'elle avait appris. A chaque fois que le couple s'arrêtait, l'elfe essayait, tentait le coup, testait le bribes de cours qui lui revenaient à l'esprit. Jusqu'à enfin pouvoir geler une petite goute d'eau... Puis un brin d'herbe, une feuille, une fleur... Jusqu'à faire danser un petit éclair de givre entre ses doigts... Rien de bien phénoménale, mais elle avait réussis. Elle avait alors gelé des bouquets de fleurs, les cristallisant, leur donnant une douceur inconnue. Puis Lumilevy s'était attaquée à des animaux, voir si elle pouvait toucher quelque chose qui bougeait, jusqu'à puisant dans ses dernières forces, pour s'effondrer, endormie, au pied d'un arbre. Oryll avait du supporter ces découvertes de l'elfe, mais il était resté silencieux.

Alors qu'ils arrivaient, près, tout près des arbres bordant Silverleaves, Lumilevy releva la tête. Elle avait froid, après la pluie de la veille, son armure était glaciale, et le contact du métal sur sa peau faisait frémir ses oreilles et parcourait son dos de frissons fréquents. De lourds nuages gris cavalaient dans le ciel, poussés par un vent lointain. Elle ne verrais plus les nuages pendant un bout de temps, à moins qu'elle ne trouve un moment pour grimper à la cime d'un de ces arbres inquiétants, renfermés sur eux-même, protégeant les Almaâris et leurs secrets. Puis son regard tomba sur ses jambes. L'herbe lui montait jusqu'au milieu des cuisses, elle avait eu du mal à se déplacer à une bonne allure durant leur long trajet. Oryll, étant bien plus grand qu'elle -ceci dit, ce n'était pas si compliqué que ça, d'être plus grand qu'elle- n'avait de l'herbe que jusqu'aux genoux, et avançait sans rencontrer de problèmes majeurs.

L'elfe soupira un grand coup, et se prépara à rentrer dans les bois, mais un brusque arrêt du chasseur la fit, à son tour, s'arrêter. Elle le regarda, curieuse, s'attendant à une question, commençant à connaître les expressions du visage de son compagnon.

« Tu sais un peu à quoi nous devons nous attendre ici ? »

Voilà, il fallait qu'elle tombe. Bien sur qu'elle le savait. Mais c'était dangereux, très dangereux, de s'aventurer ici. Elle le fixa intensément, alors que lui-même avait plongé son regard dans les yeux noirs de l'elfe du crépuscule. Au bout de quelques instants, elle lui prit le bras, et l'attira contre un arbre massif, puis s'assit dans l'herbe encore trempée de la rosée matinale. L'herbe, très haute, lui arrivait presque au dessus de son large chignon, mais elle restait très digne. Lumilevy jeta un regard à Oryll pour l'inviter à s'asseoir en face d'elle. Il était temps qu'il sache quelques choses à son sujet.

« Je ne le sais que trop bien. Voilà des années que j'ai quittés ma forêt natale, et ce n'était pas un choix, comme Eldar l'a fait. Je n'ai pas quitté cette forêt comme on quitte sa famille une fois passé à l'âge adulte. Je l'ai fuie, pourchassée par les miens. Il nous faudra être discrets. Nous avons de toutes façons déjà étés repérés, la lisère de la futaie d'argent regorge de postes de surveillances, magnifiquement bien cachés. Seul l'oeil habitué à la sombre frondaison de ses arbres peuvent les voir, et encore. Moi-même, je ne pense pas être capable de les trouver. Les Almaâris ont fait de la discrétion et du camouflage un grand art. »

Elle s'arrêta quelques minutes, regardant au loin une légère brise qui agitait les feuilles d'argent des arbres. La forêt était silencieuse, comme toujours.

« Le silence que tu pourras remarquer est présent dans toute la forêt. Mais ne pense pas que les seuls prédateurs sont les Almaâris, oh non. il y a là des créatures qu'il ne vaut mieux pas rencontrer. La forêt à changé depuis ma fuite, je ne pourrais plus être aussi bon guide que je l'aurais été avant. Surtout qu'il va vraiment falloir se cacher. Je sais, ça va être dur. Mais je suis encore recherchée. Et je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose à cause des erreurs de mon passé. Si l'un d'eux nous voient, c'est fichu. On devra fuir, ou se battre jusqu'à nous en arracher les muscles. La forêt en elle-même est vivante. Elle avale les voyageurs, et jamais ne les recrache. »

*J'espère juste avoir le temps de passer sur ta tombe, père...*

A nouveau, un soupir. Décidément, elle ne voulait pas qu'il arrive quelque chose à Oryll. Surtout pas à cause d'elle. L'elfe regarda ses doigts, se concentra, et fit danser quelques secondes un petit éclair de givre dans la paume de sa main. Elle les sentait là, partout autour d'eux. Ils étaient devenus proies, et ils seraient traqués.

*Un périple Ô combien réjouissant apparemment...*

Assis face à sa compagne, un large sourire étira les traits d'Oryll... Une mort certaine dans des bois inconnu dont personne n'était jamais revenu... Eh bien, ça lui plaisait beaucoup. Enfin, il espérait y gagner quelque chose à la fin, peut-être un secret de ces elfes, même si cela était peu probable... Mais la simple présence de Lumilevy le poussait à la suivre. Il lança, d'un air enjoué:

"-Donc, récapitulons: Premièrement, nous allons nous aventurer dans une forêt sombre, que je ne connais absolument pas, et dont tu me dis que tu ne connais pas vraiment tous les chemins puisque cela fait quelques temps que tu en est partie. Des almaâri -dans leur domaine en plus- voudrons probablement me tuer car je suis un intrus, et te tuer également car ils te chassent depuis des années... Nous sommes plus que probablement déjà repérés, et donc nous serons pistés dès notre entrée ici... Surtout que tes compatriotes sont maîtres dans l'art du camouflage, donc nous ne les verrons pas arriver? Tout ça m'a l'air bien joyeux! Une mort certaine dans des bois inconnus, tué par des inconnus, avec la femme que j'aime... Oui, ça me va. Allons-y?"

En disant cela, il se releva, avec un clin d'oeil pour la jeune femme... Finalement, ça ne le dérangeait pas plus que ça. Surtout s'il suivait Lumilevy pour cela. Il lui tendit la main, pour l'aider à se relever. De l'autre, il fit tomber sa capuche, pour que son visage sente l'air frais de la plaine courir au milieu de ses cheveux... Ce serait peut-être la dernière fois qu'il pourrait avoir une telle sensation. Ses yeux parcoururent les frondaisons, à quelques mètres d'eux à peine maintenant... Rien, toujours rien... Juste l'impression d'être épié en permanence, qu'on vous observe à distance, caché. Eh bien, c'était probablement le cas. Les bruissements des feuilles étaient autant de pas d'elfes du crépuscules, d'arbres en arbre, de branches en branches, de troncs en troncs... La question n'était pas de savoir s'ils étaient repérés, c'était plutôt quand se situerait l'agression. Joyeuse pensée.

A entendre les mots de l'elfe, Oryll avait eut un large sourire, et quand prit la parole, seul le sarcasme sortait de sa bouche.

« Donc, récapitulons: Premièrement, nous allons nous aventurer dans une forêt sombre, que je ne connais absolument pas, et dont tu me dis que tu ne connais pas vraiment tous les chemins puisque cela fait quelques temps que tu en est partie. Des almaâri -dans leur domaine en plus- voudrons probablement me tuer car je suis un intrus, et te tuer également car ils te chassent depuis des années... Nous sommes plus que probablement déjà repérés, et donc nous serons pistés dès notre entrée ici... Surtout que tes compatriotes sont maîtres dans l'art du camouflage, donc nous ne les verrons pas arriver? Tout ça m'a l'air bien joyeux! Une mort certaine dans des bois inconnus, tué par des inconnus, avec la femme que j'aime... Oui, ça me va. Allons-y? »

Lumilevy éclata alors de rire devant une telle façon de voir les faits. avec un large sourire, elle le regarda se lever et attrapa la main qu'il lui tendait. Ses yeux brillaient, tout le danger qui s'étendait devant eux n'était plus rien. En une tirade, il venait de lui sortir toutes ces idées maussades de la tête. Qu'importait ce qu'ils vivraient, elle ne voulait juste pas être séparée de lui.

« Oui, c'est à peu près ça qui nous attend. On y va ! »

L'Almaâri se retourna vers les bois et observa les arbres qui se dressaient devant eux. Le silence pesant envahissait les branches, et même le doux son des feuilles qui bougent au rythme du vent semblait silencieux tant le bruit était inquiétant. Les siens étaient là, partout. Ils se mouvaient tels des ombres dans l'immense frondaison de ces arbres à l'écorce d'argent, et ils attendraient le moindre moment d'inattention pour passer à l'attaque. C'est alors qu'elle se décida, ils n'allaient tout de même pas rester plantés devant les arbres sans bouger toute une éternité. Lumilevy commença donc à pénétrer dans les bois, écartant les branches qui la gênait. Elle tentait d'être la plus silencieuse possible, mais de toutes façons, une fois repérés, ils n'avaient plus besoin d'être silencieux, ils seraient suivis et surveillés.

*Bon. Et bien c'est parti.*

Elle se retourna vers Oryll, vérifiant qu'il la suivait, puis leva les yeux vers les sombres branches les surplombant. D'un côté, tout était pesant, lourd, presque insupportable. De l'autre, l'écorce d'argent faisait sourire l'elfe qui retrouvait alors son passé après en avoir été séparée si longtemps. C'était un plaisir mêlé à la peur et à l'anxiété. Alors qu'elle avançait, une brise légère secoua les hautes branches, faisant tomber jusqu'au sol de fines feuilles. L'elfe tendit la main, attrapant au vol l'une d'entre elles. Elle était de retour chez elle, même pourchassée par les siens.

Pénétrant sous la futaie à la suite de sa compagne, Oryll jeta un oeil autour de lui... Ils avaient beau êtres dangereux, voir mortels, et surtout inexplorés, les bois de Silverleaves étaient magnifiques... Et, tant qu'à mourir, il valait mieux que cela soit dans un endroit qu'il appréciait... Et c'était effectivement un bon lieux. En tendant l'oreille, il finit par repérer des bruissements de pas, très léger, parmi les frondaisons... Mais n'y prêta même pas attention. Le couple était encore trop près de la lisière de la forêt, et il faudrait s'aventurer bien plus profondément avant que les almaâri ne se décident à tenter quelque chose.

Il vit sa compagne recueillir une feuille qui chutait d'un arbre, le soleil s'étant reflété dessus un court instant, un éclair argenté était parvenu aux yeux du chasseur... C'était vraiment un bon endroit pour décéder... Surtout en bonne compagnie. Ne se laissant pas prendre par l'atmosphère lourde qui écrasait ses bois, et donc leur avancée, il se mit à fredonner une vieille chansonnette dont il se souvenait vaguement comme appartenant à son enfance:

"-Il était un p'tit loup, qui courait, qui courait... Il était un p'tit loup qui courait... Ce p'tit loup était chassé, chassé... Ce p'tit loup était chassé... Et il s'est réfugié, réfugié... Réfugié au pied d'un châtaigner... Et le chasseur, le chasseur, qui le traquait... Le chasseur qui le traquait fut assommé... Assommé, assommé, par une branche de châtaigner..."

L'air était gai et entraînant, et il continua ainsi, perçant le silence absolu de la futaie par sa voix et sa mélodie... Oryll n'avait jamais été un grand chanteur, il était vrai, mais il combattait l'angoisse qui menaçait de s'emparer de son coeur à tout moment ainsi. Il continua plusieurs minutes, calquant la vitesse de ses pas sur les vers rythmés de la chanson qui défilaient dans son esprit, refaisant surface dans sa mémoire au moment où il en avait besoin.

Il n'éprouvait bien sûr pas l'assurance qu'il affichait, mais ce n'était pas grave... Kebra lui avait déjà dit que la peur, ce qui était important c'était de savoir l'affronter. Ceux qui ne la ressentent pas sont des lâches car ils ne la connaissent pas. Et, souvent, il fallait montrer une assurance de façade à un animal dangereux pour le faire reculer... Et cela marchait également pour les hommes -et peut-être les almaâri s'était-il dit. En attendant, les minutes passaient lentement, chaque seconde les rapprochant du danger, par un pas de plus, un mètre supplémentaire... Enfin, partir au combat la fleur au fusil était naïf, mais amusant, surtout en sachant que les probabilité d'en réchapper étaient extrêmement minces.

Alors qu'ils marchaient sous les sombres branchages, Lumilevy entendit Oryll commencer à chantonner faiblement. Elle regarda alors son visage, observant ses lèvres desquelles sortait la joyeuse mélodie. Elle comprenait la réaction du chasseur. Les bois étaient lourds, l'ambiance pesante et insupportable. Si ils restaient silencieux, la peur les prendrait autant l'un que l'autre, ils ne seraient peut-être plus bon à rien. Tout en marchant aux côtés de l'humain, l'Almaâri observait sa fine bouche, détaillant les traits de son visage, une fois encore. Elle était inquiète. Elle l'avait entrainé dans une histoire qui ne le concernait pas, et dont il risquait de beaucoup souffrir.

Continuant d'écouter la voix de son compagnon, Lumilevy avançait, droite et silencieuse. Elle savait que les siens attendraient un moment de pose pour s'attaquer à eux, ou du moins, pour se manifester à leurs yeux. Si ils s'arrêtaient, ils devaient rester sur leur garde. Elle laissa un long soupir s'échapper. Même dans ses bois, sa forêt natale, elle n'était pas chez elle. Toujours, ils seraient à ses trousses, toujours ils la rechercheraient. Elle avait de plus en plus peur pour Oryll. Plus elle y pensait, plus elle ne voyait pour lui que le malheur de la suivre. Les Almaâris le prendraient lui si cela pouvait faire souffrir l'elfe. Ce qui était le cas.

Perdue dans ses sombres pensées, l'elfe avançait, le regard enfoncé dans les sombres frondaisons se dressant au dessus d'elle. Le couple allait, lentement, entre les troncs d'argent de la futaie et les branchages et racines coupant leur route. Lumilevy avait les muscles bandés, la main posée sur sa lame, prête à tout. Elle surveillait du mieux qu'elle le pouvait ce qui entourait leur marche calme, dont seuls les sons de leurs pas et de la chansonnette d'Oryll étaient audibles. Ils perdirent toute notion du temps. Tout se ressemblait, il était tellement facile de se perdre... Mais l'elfe gardait des souvenirs, aussi faibles soient-ils, et réussit à guider ses pas entre les feuilles humides jonchant la terre crissant sous ses pieds. De temps un temps, un battement d'ailes se faisait entendre, et quelques feuilles tombaient légèrement dans un doux bruissement. La forêt était bel et bien aussi belle qu'inquiétante. Malgré ses nombreuses inquiétudes, Lumilevy se sentait bien. Elle était avec Oryll, et peu lui importaient les risques qui s'offraient à elle. Tout ce qu'elle désirait, c'était rester à ses côtés.

Au bout d'un long temps de marche indéterminé, le couple tomba sur un petit point d'eau légèrement éclairé par un fin rayon de soleil. La lumière qui émanait du ciel semblait s'assombrir peu à peu, ils avaient marché dans la futaie tout l'après midi. Lumilevy s'avança jusqu'à une large racine qui s'enfonçait dans l'eau claire et s'assit dessus, regardant son compagnon dans les yeux. Plus elle le regardait, plus elle passait de temps avec lui, plus elle s'attachait, à son plus grand étonnement.

« Il serait peut être temps de faire une pause, tu ne penses pas ? »

L'Almaâri s'étira longuement, puis jeta un coup d'oeil tout autour d'eux. Tout était calme, un peu plus clair que le reste de la forêt qu'ils avaient actuellement traversé. Les troncs étaient illuminés d'une douce lueur, les rendant encore plus beaux. Le lieux en devenait presque serein. L'eau était calme et claire, et sans doute peu profonde. Après avoir rapidement analysé les alentours, elle se retourna vers Oryll et lui adressa un léger sourire.

Les pas du chasseurs faisaient crisser les feuilles sous lui... Plusieurs d'entre elle s'était détachée des frondaisons pour venir chuter devant ses yeux au fur et à mesure de la marche, étalant un tapis sur lequel il avançait un peu trop bruyamment à son goût... Bien que sa chansonnette soit autrement plus audible que ledit bruit.
Il tendait l'oreille, dans l'espoir d'entendre un pas, un craquement de branche, un bruissement de feuilles... Rester dans l'incertitude d'une attaque pendant trop longtemps n'était pas vraiment la chose qui le rendait serein... La comptine qu'il continuait de chanter ne semblait pas déranger Lumilevy, et elle lui permettait de décompresser, ce qui était important... Rester tendu trop longtemps n'avait jamais mené à quelque chose de bon. Mais la pression restait constante.

Sa main droite vint se balader du côté du pommeau de son épée courte, ses doigts courant tout d'abord autour de la poignée, signe de son inquiétude... Et preuve que sa réaction ne se ferait pas attendre. N'y tenant plus, il agrippa fermement l'arme, sans toutefois la dégainer... Sa présence était rassurante dans sa main, et il préférait pouvoir bouger et attaquer rapidement en cas d'embuscade. Si embuscade il y avait.

L'inquiétude avait beau l'habiter, ce n'était pas pour autant qu'il se laissait complètement aller à elle... Sa comptine continuait de résonner dans les bois, à travers les troncs d'arbres, et ses yeux se baladaient, admirant le paysage tout en surveillant un éventuel geste ou mouvement des elfes. Si elfe il y avait, encore une fois. Mais rien, le silence, et l'invisibilité étaient de mise pour eux... Finalement, une trouée au milieux de la futaie se fit apercevoir, et le couple s'avança vers celle-ci... Oryll supposait que Lumilevy les avaient sciemment mené là, elle se souvenait donc en partie de son existence ici, et de la route à prendre... Ce qui était une bonne chose en soit, avancer à l'aveuglette... Bon, même avec la situation désespérée qu'ils affrontaient en ce moment même, c'était pas terrible.

Donc, ils entrèrent dans une petite clairière... Le soleil qui commençait à baisser sur l'horizon baignait la zone dans un rayon d'or liquide, faisant ressortir chaque détail, faisant scintiller les cheveux de l'almâari qui accompagnait le chasseur par la même occasion... Il s'arrêta quelques instants bouche bée, le temps que l'illusion se dissipe... Du moins en partie. Sa compagne bougea la première, rejoignant une racine qui surplombait l'eau qui glougloutait doucement sur les galets formant le fond de la rivière... Son regard se plongea dans le sien, une fois de plus, et le chasseur admira le noir profond de ses prunelles qui contrastait avec le blanc de ses cheveux... Il tenait vraiment à elle. Finalement, Lumilevy pris la parole, entraînant un sourire de l'humain qui se sentit un peu stupide sur le moment:

« Il serait peut être temps de faire une pause, tu ne penses pas ? »

Ensuite, la "jeune" elfe (eh oui, ces créatures ont la vie longue... Dur à cuire en tout cas!) s'étira, relaxant apparemment ses muscles de la tension qui avait du les habiter... Elle avait eu la même réaction qu'Oryll... En tout cas, de son point de vue. Laissant là ses pensées, il s'approcha, pour s'asseoir aux côtés de la femme, un peu plus haut sur la racine, l'eau hors de sa portée actuelle... Il lui répondit d'une voix douce:

"-Effectivement... Par contre, je propose de continuer la route de nuit, et de dormir le jour... Sous les frondaisons, la luminosité ne gênera pas notre repos, et je préfère être en mouvement pour ne pas faciliter un piège pendant les heures nocturnes... Nous les verrons plus facilement arriver durant la journée. Qu'en penses-tu?"

Alors qu'elle était repartie pour une observation des alentours, l'elfe put sentir Oryll s'installer un peu plus haut sur la racine sur laquelle elle s'était posée. Une fois encore, elle le fixa, écoutant sa voix douce glisser jusqu'à ses oreilles.

« Effectivement... Par contre, je propose de continuer la route de nuit, et de dormir le jour... Sous les frondaisons, la luminosité ne gênera pas notre repos, et je préfère être en mouvement pour ne pas faciliter un piège pendant les heures nocturnes... Nous les verrons plus facilement arriver durant la journée. Qu'en penses-tu ? »

De toutes façons, de jour ou de nuit, la différence de luminosité entre les branches était infime. Les bois étaient toujours sombres, mis à part dans les quelques endroits purs comme celui dans lequel le couple se tenait. Mais il n'avait pas tort. De plus, il leur faudrait dormir dans des endroits assez dégagés, de façon à avoir la place pour se mouvoir. Lumilevy avait l'habitude de se battre entre les larges troncs de Silverleaves, ce n'était pas forcément le cas de l'humain.

« Oui, tu as raison. Nous dormirons de jour, jusqu'à notre arrivée dans ma cité natale. De toutes façons, un jour ou l'autre, nous serons à la vue de tous. Poursuivie ou non, je retourne voir certaines personnes... »

*Je ne veux juste pas que ça te retombe dessus...*

Soupirer était devenu une habitude chez l'elfe, après chaque sombre pensée. Et presque toutes ses pensées se noyaient dans un océan de noirceur infinie. Jusqu'à ce que son regard ne tombe dans celui d'Oryll, et alors elle ne voyait plus rien de ce qui l'entourait. L'Almaâri se leva de son siège improvisé pour s'y installer à califourchon, et regarda une légère brise faire danser les cheveux noirs de son compagnon autour de son visage, puis, comme après chaque sombre pensée, elle se perdit dans son regard sombre. Alors elle se mit à penser à son passé sentimental. En fait, elle n'en avait pas vraiment. Elle n'avais jamais vraiment ressenti de véritables sentiments pour quelqu'un, toujours elle avait manipulé les hommes pour assouvir ses désirs et s'était faite manipulée, mais sans jamais se lancer dans une véritable relation autre que sexuelle. Son attachement pour l'humain ne cesserait de l'étonner.

Sans vraiment réaliser ce qu'elle faisait, elle se rapprocha de lui et le prit dans ses bras, calant son visage dans son cou chaud, et profita de la chaleur de sa peau contre son visage glacé. Elle resta ainsi immobile quelques instants, puis se redressa et déposa un simple baiser sur les lèvres d'Oryll, avant de se lever pour s'agenouiller près de l'eau. Elle glissa ses mains dans le liquide glacé pour en recueillir un peu dans ses paumes, puis se nettoya le visage de tout ce long voyage. Elle profita de la clarté de l'eau pour en boire quelques gorgées, puis son regard se perdit dans les remous provoqués par son intrusion à la surface de l'eau.

Le soleil se couchait, et la lumière baissait à vue d'oeil, jusqu'à n'être qu'un fin rayon de lune se reflétant sur le point d'eau. Silverleave était belle de jour. Mais elle l'était encore plus de nuit. Lumilevy s'était redressée pour regarder les lueurs changer, le regard dansant sur les feuilles agitées de la cime de quelques arbres. Une brise chaleureuse vient caresser son visage aux traits glacés, lui soutirant un léger sourire caché derrière une mèche de cheveux refusant de rejoindre son chignon. Chignon qu'elle défit en retirant les deux bouts de bois, secouant légèrement sa tête en arrière.

Après cette longue contemplation silencieuse, Lumilevy retourna aux côtés d'Oryll, se réinstallant sur la racine tout en étendant ses jambes devant elle. Ils n'étaient pas seuls, ils le savaient autant l'un que l'autre depuis leur entrée dans les bois. Maintenant, il ne suffisait que d'attendre l'entrée en scène des elfes, quel que soit le moment.

Le temps passa autour du couple. Ils ne savaient pas vraiment combien de temps. Autour d'eux, les ombres semblaient bouger, menaçantes, terrifiantes, dans le plus profond des silence, parfois brisé par un animal nocturne en quête d'une proie. Tous leurs sens étaient en éveil, la peur rongeant leurs entrailles. Ils savent l'un et l'autre que les ombres mouvantes n'étaient autres que les Almaâris. Mais ils n'en eurent la certitude que quand ils virent une quinzaine d'entre eux sortir des sombres branchages, certains perchés sur une branche basse, d'autres à terre, les entourant de leur aura malsaine. Leur peau sombre se fondait dans le décor, et seuls leurs yeux braqués sur les deux compagnons brillaient à la faible lueur de la lune. Tous étaient armés, prêts à agir au moindre mouvement agressif.

D'entre deux Almaâris en sorti un autre, caché dans l'ombre, un sourire mauvais brisant son visage féminin. Dans son dos était visible un magnifique arc sculpté avec finesse et minutie, tandis qu'à ses hanches pendaient un petit carquois et une grande épée, sans doute constituée du même métal étrange que celles de Lumilevy. Les ombres des feuillages cachaient son visage, et seuls son sourire et ses yeux étaient visibles. Ce n'est que quand il ne fut qu'à quelques mètres de la jeune elfe et de l'humain que son visage put apparaître complètement à leurs yeux.

Un, deux, trois, nous allons aux bois! [Terminé] Frrelumi

Ses traits étaient fins, d'une beauté malfaisante. Une beauté qui vous fait chavirer jusqu'à ce qu'on vous dévore l'âme. Sur ses larges épaules était posée une petite cape brodée d'argent, recouvrant une simple armure de cuir souple. Sa peau, bien plus foncée que celle des autres elfes, lui donnait un air encore plus glacé et désagréable, froid, effrayant. Dans la profondeur de ses yeux, aussi noirs que le plus sombre recoin de la forêt de Silverleaves, dansait une flamme folle, une flamme guerrière, une flamme brûlante par sa froideur. Son arme luisait sous le faible rayon de lune, de cette même couleur froide qui hantait les lames de Lumilevy.

L'elfe sembla analyser le couple quelques instants sans bouger, jusqu'à ce qu'un rire éclata dans sa gorge.

« Alors petite soeur, on vient se jeter dans la gueuler du loup ? Tu as enfin décidé de te rendre ? Tu cesses enfin de fuir comme un rat ? »

A cette appellation, il put voir l'étonnement s'inscrire sur le visage de la jeune elfe, sa bouche et ses yeux s'étant légèrement ouverts. Elle était sur ses gardes, les mains sur le pommeau de ses armes, mais elle était prête à écouter ce qu'il avait à lui dire. Un autre rire tonitruant, froid, quitta la gorge de l'homme. Le ton qu'il prit pour parler était aussi tranchant que son arme, aussi précis que ses flèches.

« Alors ainsi on ne t'a jamais rien dit ? Je vais te raconter une petite histoire... Il était une fois une jeune Almaâri, qui tomba en amour d'un homme de guerre, un vrai combattant. Ils s'installèrent ensemble dans la ville principale de ces forêts, Silv'saâd. Une magnifique cité, construite à la fois dans les sombres branchages d'argent et sur le sol. »

En même temps qu'il parlait, l'elfe marchait de long en large, regardant parfois les frondaisons s'élevant au dessus du groupe, parfois Lumilevy et Oryll.

« Ils eurent un premier enfant, un garçon, qu'ils élevèrent avec beaucoup d'amour et de tendresse, jusqu'à la deuxième grossesse, qui faillit tuer la femme. A la naissance de l'enfant, la mère perdit presque la vie. Alors elle décida, épuisée, de s'enfuir, emportant avec elle son premier enfant, laissant derrière elle son second bébé, une fille, dans les bras de son tendre mari. Tous deux étaient destinés à une vie de guerre et de combats, chacun étant élevé dans les armes et le sang. »

Il cessa d'un coup sa marche, se retournant vers la jeune elfe qui écoutait attentivement. Il s'inclina alors devant elle, portant sa main à son coeur, en un geste provocateur.

« Je suis Deên Vapaa, fils de Vâr Vapaa et de Blöoma Vapaa. Tu me vois enchanté de te raconter toute cette petite histoire, Lumilevy. Enchanté de te rencontrer enfin. Ainsi donc, père t'avais tout caché, comme c'est étrange... Mère m'avait pourtant tout raconté. »

Plus il parlait, plus la jeune elfe en face de lui tremblait, frémissait, frissonnait. Si il était vraiment son frère, elle était bien heureuse de ne pas l'avoir connu plus tôt. Il s'approcha d'elle et la prit par la taille, la faisant légèrement tourner en une danse folle. Frère et soeur, ils étaient l'un et l'autre aussi fous. Deên explosa alors d'un rire franc, qui provoqua l'envol de nombreux oiseaux alentours dans un magistral bruissement d'ailes. L'air semblait refroidir, tandis que sous les pieds de Lumilevy et Deên, l'herbe prenait une teinte bleutée, légèrement blanche. L'homme lâcha alors sa soeur et lui tourna autour un court moment, analysant ses formes, ses armes, chaque détail constituant l'Almaâri. Il se glissa alors derrière elle et entoura son ventre de ses bras, lui soufflant un faible murmure inaudible aux autres à l'oreille.

« Alors, ma chère soeur... Ainsi, tu as usé de tes talents pour tuer notre père... Puis tu t'en enfuie, poursuivie par tes propres amis, ta famille, ton clan, ton peuple... Tu sais, je t'ai vue partir, ce jour là, essuyant les larmes qui coulaient sur ton visage affolé... Je t'ai vue courir vers les steppes sans te retourner. J'ai alors décidé de me lancer à ta poursuite, rêvant du jour où je pourrais enfin mettre la main sur toi. »

Il lui saisit de nouveau les hanches et la fit tourner en sa direction, plantant son regard fou dans celui de la jeune femme. Deên posa alors sa main sur la joue de sa soeur, prit son fin menton, et la força à tourner la tête vers son compagnon. Il rapprocha alors de nouveau ses lèvres de son oreille, et murmura du même ton glacial.

« Non seulement tu nous trahi, mais en plus tu reviens ici en compagnie d'un humain dont tu sembles... Très proche... As-tu donc vraiment perdu la tête ? »

Puis il se recula, rejoignant presque les Almaâris qui entouraient le point d'eau, brandissant dans un froid sifflement sa lame aux reflets bleus. Sa voix tremblait légèrement, un tremblement non pas de peur, mais d'excitation. Son sourire mauvais s'était encore agrandi, montrant à tous une dentition parfaite, aux crocs acérés.

« Il me serait simple de te tuer, Lumi. Mais je voudrais tester tes capacités au combat. » puis, s'adressant aux siens « Vous autres, vous ne bougez pas. Si l'humain essaye de fuir, ne partez pas tous ensemble, deux d'entre vous suffira. »

Deên pointa alors sa lame vers sa soeur, le bras tendu. Il attendait qu'elle dégaine.

Une lueur amusée vint danser dans les yeux d'Oryll... Ainsi donc, l'histoire de Lumilevy n'était guère reluisante... Il pouvait le comprendre, et n'y accordait que peu d'importance de toute façon... S'attarder sur le passé n'apportait jamais de bonnes choses, on le lui avait déjà appris... C'était en partie ce qui avait bouleversé sa vie, aussi ne ferait-il pas la même erreur deux fois. Mais son air amusé ne venait pas de là... Il venait de l'attitude du jeune elfe, qui semblait hésiter entre la joie absolue, et la rage frénétique... Vu ses tremblements, il était fort possible qu'il soit berzerk... Ce qui n'était absolument pas un problème. Un sourire en coin étira ses lèvres, ses yeux étaient moqueurs, et confiants... Ainsi, il aurait pu passer pour aussi fou que le soit disant "frère" de sa compagne. Vint la dernière phrase d'une longue tirade, entrecoupée de geste plus ou moins déplacés en une telle situation:

« Il me serait simple de te tuer, Lumi. Mais je voudrais tester tes capacités au combat. Vous autres, vous ne bougez pas. Si l'humain essaye de fuir, ne partez pas tous ensemble, deux d'entre vous suffiront. »

Un rire franc déploya la gorge du chasseur, alors même que le nouveau venu menaçait Lumilevy de sa lame... Ou l'invitait à le combattre, plutôt. Un duel alors qu'il avait un avantage énorme, une troupe conséquente suivant ses pas et obéissant à ses ordres? Un peu de sens de l'honneur... Ou de folie... Probablement la seconde option... Ses paroles précédentes l'avait démontré. Décidant que, pour une fois, il ne se ferait pas discret, et décidé à donner dans le spectaculaire, il pris la parole en sautant de la racine où il était assis:

"-Eh bien messieurs, voilà une façon bien cavalière d'entrer en scène... Nous épier, avant de nous tomber dessus, déployant arme et parole contre notre petit groupe, c'est d'une mal-politesse crasse.

Mais je ne sais même pas si vous connaissez ce mot, politesse... On m'avait toujours dit que vous étiez secret, pas vulgaire... Au contraire de vos cousins Silvains qui peuvent se montrer charmants à l'occasion."

Oui, Oryll provoquait sciemment le groupe entier face à lui... Voir même Silverleaves, et tous ses habitants, par la même occasion... Et risquait de s'attirer les foudres de sa compagne au passage. Mais finalement, ils avaient l'air bien parti pour décéder, autant le faire avec panache, non?

"-Jolie histoire petit. Dramatique au possible. On sent que tu as souffert en vivant cela... On sent aussi que ça t'inspire encore, que c'est un fil rouge pour ta vie... Tu vis donc dans le passé, pour venger un acte qui s'est déroulé il y a plusieurs décennies... Et, pendant tout ce temps, tu t'es montré non seulement incapable de localiser ta soeur, pour te venger, mais en plus tu as sombré dans la folie? Mais quel discernement, je te félicite. Il aura tout de même fallut que nous venions te chercher nous même pour que tu trouve le courage de sortir de ta maison, pour affronter quelqu'un."

Le chasseur applaudit à deux mains, montrant par la même occasion toute l'ironie dont il était capable... Il était entouré de quinze personne qui lui étaient probablement supérieure au combat, leur chef leur en voulait et semblait probablement fou, mais il ne perdait pas son sens de l'humour... Ou de la provocation...

*Moi et ma grande gueule...*

Mais cela importait peu. Finalement, plus rien n'importait maintenant... A part peut-être la façon dont leur vie finirait.

"-Et tu es bien présomptueux en pensant que seul deux des tiens suffiront à m'arrêter... Qu'est-ce qui te fais penser qu'ils seraient capable d'un tel exploit?"

Un sourire lourd d'ironie continuait d'étirer ses traits... Ses yeux scrutèrent tour à tour chacun compagnons du frère de Lumilevy, qui étaient plus ou moins crispés faces aux multiples affronts qu'ils venaient d'essuyer... Lui-même semblait confiant, comme si il gardait un atout dans sa manche, une botte secrète... Une petite surprise désagréable pour leurs ennemis.

Lumilevy avait écouté chaque parole de son dit frère, se partageant entre l'étonnement de la découverte de son existence et le dégoût de la personne que c'était. Pourtant, elle aimait bien cette petite folie qu'il y avait en lui. A aucun instant, elle n'avait quitté du regard les yeux noirs de Deên, son sang bouillant en elle face à chacune de ses provocations, jusqu'à ce qu'il ne rejoigne enfin ses troupes, dégainant son arme en la pointant vers elle, l'invitant ainsi à un duel.

« Il me serait simple de te tuer, Lumi. Mais je voudrais tester tes capacités au combat. Vous autres, vous ne bougez pas. Si l'humain essaye de fuir, ne partez pas tous ensemble, deux d'entre vous suffiront. »

Un large sourire fit alors son apparition sur le visage de la jeune elfe. Ses doigts vinrent alors se balader sur ses lames glacées, frissonnant à ce contact. Cependant, elle s'étonnait qu'il ne l'ait pas réellement poursuivie. A Kalencia, elle ne s'était pas vraiment cachée, si il avait vraiment voulu la tuer et accomplir sa tache de vengeance jusqu'au bout, il l'aurait trouvée sans problème. Mais là n'était plus le problème. Lumilevy caressa le pommeau de l'un de ses armes, puis le saisit et pointa sa lame vers son frère.

« Ravie de te rencontrer, Deên. Très belle histoire. Tu me vois ravie d'en connaître plus sur ma famille. »

Mais avant qu'ils ne purent faire un seul mouvement, Oryll se mit à rire et fit alors preuve de toute l'ironie dont il était capable, faisant apparaitre un autre sourire sur le visage de Lumilevy. Il réussit à exprimer magnifiquement bien les pensées de l'elfe, provocant un large malaise chez les siens. La jeune femme était alors retournée vers l'humain, baissant sa lame vers le sol, le regardant et l'écoutant, jusqu'à ce qu'il ne finisse, dérangeant un peu plus Deên, qui se crispait sur sa lame.

« Et tu es bien présomptueux en pensant que seul deux des tiens suffiront à m'arrêter... Qu'est-ce qui te fais penser qu'ils seraient capable d'un tel exploit ? »

*J'aime cette grande gueule. Mais fais attention, ils sont sans doute plus rapides que toi...*

Elle se déplaça quelques peu, allant se positionner aux côtés d'Oryll. Elle ne savait pas quel était son but, mais c'était sans doute réussi. Si elle se faisait prendre, il devrait fuir, du mieux qu'il le pouvait. Elle posa alors son regard noir dans les yeux de son compagnon, un sourire aussi fou que celui de son frère sur le visage. Ils étaient voués à une mort presque certaine, et cela rendait le moment encore plus excitant à sa vue. Ils étaient deux face à quinze, sans doute bien mieux entrainés qu'eux. ils n'avaient aucune chance. Elle se rapprocha de lui et glissa ses lèvres à côté de son oreille, lui demandant de se pencher légèrement.

« Si il m'arrive quoi que ce soit, fuis. Essaye de ressortir de la forêt en allant vers l'est pour les attirer en terrain plat, ils ne pourront pas utiliser leur connaissance du terrain dans les steppes. Ils sont rapides et vifs, mais ils restent des guerriers. Rien d'autre que des guerriers. Si ils ne sont que deux à tes trousses, tu as toutes tes chances. Les Almaâris ont peut être l'air un peu décalés, mais un duel reste loyal, il se passera entre lui et moi. Je serais sans aucun doute en difficulté face à lui. Mais ne fait rien tant que tu n'as pas été provoqué. »

Si ils n'étaient pas à la limite de se faire tuer, la scène aurait put être comique. L'elfe semblait minuscule à côté d'Oryll, elle devait se mettre sur la pointe des pieds pour atteindre son visage alors que lui était penché. Elle glissa un rapide baiser dans son cou, puis se retourna à nouveau vers son frère, les yeux luisant d'une flamme froide. Elle redressa sa lame vers lui, et s'avança de quelques pas.

« Alors soit, battons nous. »

Elle savait parfaitement qu'elle ne pourrait pas gagner contre lui. Ses doigts se crispèrent sur le pommeau de sa lame, elle attendait que le combat ne soit engagé. Autour d'elle, tout disparut, les sons, les gens, elle décida de ne se concentrer que sur Deên. Une légère brise vint caresser le visage du groupe, faisant pour la plupart voler leur cheveux blancs devant leurs yeux. Lumilevy ferma les yeux et soupira. Si il ne la tuait pas, il l’emmènerait à la cité principale, où elle serait jugée.

D'un geste rapide, Oryll attrapa une flèche et son arc, encocha le projectile, sans toutefois lever l'arme ou se montrer menaçant... Juste une mesure de sécurité... Enfin, son geste avait provoqué des réactions hostiles de la part des almaâri présent, visiblement ils n'avaient pas aimé qu'il se prépare au combat... Peut-être voulaient-ils un job facile, où il ne se défendrait pas? Ils allaient être déçus en ce cas là. Bien décidé à ne pas se laisser mourir aussi facilement, la fuite comme l'avait dit Lumilevy serait probablement sa seule option pour la suite... Mais il ne voulait pas abandonner aussi facilement sa compagne... La voir mourir serait dur pour lui... Et il ne le souhaitait pas. S'il devait fuir ce serait avec elle... Enfin, l'espérait-il. Oryll n'était pas non plus suicidaire...

Par contre, la jeune femme qui accompagnait le chasseur semblait décidée à combattre Deên... Celui-ci, au vu de sa posture, savait se battre... Des appuis stable, l'épée prête à frapper... Il ne se laissait pas totalement emporter par cette rage -ou cette folie plutôt- qui habitait dans son corps... C'était bien, ceux qui n'ont plus rien à perdre sont souvent les plus dangereux... Les berzerk aussi au passage, et il n'était pas exclu que le frère de sa compagne en soit un, au vu de ses actes précédent... Il semblait trembler, probablement d'impatience, et le faire patienter le faisait enrager... Du moins, c'était ce qu'Oryll pensait. L'ignorer était aussi un bon moyen de le faire sortir de ses gonds... C'"était comme ça pour la plupart des personnes.

Doucement, il s'approcha de Lumilevy, derrière elle... Son arc était toujours baissé, mais ses yeux couraient toujours d'un ennemi à l'autre, signe visible qu'il ne les laisserait pas approcher... En aucun cas... Une fois à quelques centimètres derrière elle, il se baissa, pour lui souffler à l'oreille, de façon à ce que personne ne l'entende:

"-Soit prudente... Je préférerai éviter qu'il ne t'arrive quelque chose... Mon but n'est pas vraiment de mourir dans cette forêt, serait-ce avec toi..."

Il se redressa avant d'ajouter à voix haute, plus pour le groupe d'almaâri hostiles que pour sa compagne:

"-Vas-y, découpe moi cet abruti... Que nous puissions reprendre notre route au plus vite..."

Par ces phrases provocantes, il tentait d'aider la jeune femme... Un guerrier en colère fait des erreurs... Et si Deên faisait des erreurs, ce serait autant d'occasion pour Lumilevy de frapper... Du moins l'espérait-il.

A reculons, il s'éloigna de l'elfe, son regard toujours braqué sur les almaâri, les dissuadant de faire n'importe quel geste hostile... Ils étaient déjà bien assez dans la mélasse comme ça sans qu'en plus ils subissent un coup bas...

Deên, sa lame toujours pointée devant lui, avait observé les réactions de sa soeur et d'Oryll. Peu lui importait ce qu'ils se disaient. Mais la provocation de l'humain le faisait frémir, la colère commençait alors à l'envahir, se mêlant à sa folie. Les Almaâris sont des êtres fiers, il ne faisait pas dans l'exception. Le couple que formaient Lumilevy et Oryll était comique, et tous les Almaâris présents riaient intérieurement de voir l'une des leurs se mettre sur la pointe des pieds pour embrasser le cou d'un humain qui lui devait se pencher largement.

Mais dans son rire intérieur, Deên n'avait qu'une envie, se battre. Quand Oryll eut prononcé ses derniers mots et reculé de quelques pas, laissant les combattants face à face, il releva son épée à la verticale, son corps entier tremblant de colère et d'excitation. Cela se ressentit dans sa voix lorsqu'il adressa la parole à sa chère et tendre soeur.

« Alors. Testons un peu tes capacités. Laisse moi le temps de jouer un peu avec toi, avant d'abandonner. »

Un large sourire brisait toujours son visage fin encadré de ses longs cheveux blancs volant faiblement quand il s'approcha de quelques pas de la jeune femme. Il se mit alors à lui tourner autour, attendant le meilleur moment pour entamer le combat, jetant parfois un oeil vers l'arc de l'humain. Regardant attentivement sa position, il ne doutait pas sur les capacités d'archer d'Oryll; il devait sans aucun doute être bon. L'elfe revint à sa priorité, soit Lumilevy. Son armure était pleine de failles, ses hanches nues étaient une cible simple et un appel à la blessure, tandis que ses cuisses tout aussi nues semblaient, aux yeux de Deên, vouloir être quelque peu abîmées.

*Là est le problème des armures non intégrales, ma chère.*

Mais il savait parfaitement que jamais elle n'aurait porté une armure aussi pleine de failles si elle était totalement incapable de se battre. Son sourire d'abord fou se transforma en celui déjà vu par Oryll sur le visage de Lumilevy; ce large sourire carnassier, preuve d'un amour du combat sans limite. Il allait jouer avec la petite elfe comme avec un mannequin d'entrainement.

Tournant toujours autour d'elle pour analyser sa stature et son regard fixé sur lui, il décida soudainement de passer à l'attaque, positionné à la droite de Lumilevy. En quelques bonds, il fut contre l'elfe, lançant son bras droit en un vif mouvement vers la hanche gauche de sa soeur, qui ne put parer qu'au dernier moment, collée contre l'homme qui l'entourait alors de son bras. Il recula ensuite en un bond, et commença quelques simples attaques horizontales et verticales, se déplaçant de côté pour tester les attitudes de Lumilevy.

Bien vite, il en eut assez de ces répétitions parées, et engagea un véritable combat. Sa lame fila alors de l'épaule de la jeune elfe jusqu'à sa hanche, laissant une fine ligne de sang sur sa peau sombre près de sa poitrine. Surprise, elle n'avait échappé à la véritable blessure que de peu en un petit bond en arrière. Deên se redressa alors, baissant sa lame, la main gauche sur la hanche, surplombant sa soeur.

« Pas trop mal. Voyons ce que tu vaut dans un vrai duel. »

Il resta alors là, immobile, provoquant et appelant son adversaire.

Lumilevy parait chacun des coups de son adversaire non sans difficulté. Il était bon, vraiment bon. Jamais elle ne pourrait le battre. Mais elle voulait faire durer ce combat le plus longtemps possible. Elle voulait se battre comme jamais elle ne s'était battue. La flamme glacée montrant son amour du sang grandit un peu plus dans ses yeux, jusqu'à ce que la froide lame de Deên ne change subitement de trajectoire dans le but de la blesser de l'épaule à la hanche. Surprise, elle n'eut le temps que de faire un léger bond en arrière, un peu maladroit. L'elfe sentit alors un liquide chaud couler sur sa poitrine, et passa ses doigts fins sur la ligne ensanglantée. Elle regarda alors ses doigts le long desquels coulait son sang, puis l'arme de son frère sur laquelle perlait quelques goutes de ce chaud liquide rouge. Il se dressait de toute sa taille devant elle, hautain, plus froid encore qu'elle ne l'avait jamais été. Un long frisson lui parcouru l'échine; elle le haïssait.

« Pas trop mal. Voyons ce que tu vaut dans un vrai duel. »

Sa voix fouetta l'air, cinglante et froide, sure d'elle. Il attendait qu'elle ne reparte à l'attaque. Lumilevy ferma les yeux quelques instants, déconcentrée. C'est alors qu'elle sentit la colère monter en elle, la colère et la peur. Ses poings se serrèrent sur ses lames violacées, ses muscles se contractèrent. Elle rouvrit alors les yeux, posant sur son frère un regard plus sombre alors que le moindre recoin de Silverleaves.

« Garde donc ta langue de vipère dans ta bouche au lieu de me siffler aux oreilles. Je suis ravie de ne pas t'avoir connu plus tôt. Tu es invivable. »

Elle se redressa alors elle aussi de toute sa petite hauteur. Elle n'était guère impressionnante, mais l'aura meurtrière qui s'échappait de sa voix et de son corps contrastait avec sa taille d'enfant. Ils se scrutèrent de nouveau quelques instants, alors que la plus jeune reprenait un peu confiance en elle. Une chouette hulula au loin, tandis qu'une brise parcourait les bois, agitant les feuilles. Loin au dessus d'eux perçaient quelques rayons de lune sur le visage fermé des deux adversaires, faisant briller leurs cheveux blancs.

*Il me faut juste le toucher une fois... Au moins une fois vraiment...*

L'Almaâri empoigna alors l'une de ses lames en descendant sa pointe vers son coude dans un souple mouvement, puis elle bondit vers Deên avec grâce et finesse, feintant à sa droite pour passer derrière lui en passant à sa gauche, puis elle se pencha et lança un coup de pied dans les chevilles de son adversaire tout en lançant la lame contre son coude vers la cuisse de son frère. Elle n'y croyait pas vraiment, mais durant ce mouvement, elle concentra toute ses forces, et essaya de créer une fine couche de glace tranchante sur son arme en gelant l'humidité qui se posait en gouttelettes sur sa lame, mais à peine l'eau commençait à refroidir et à prendre une forme correcte, qu'elle disparaissait en un millier de petites gouttes.

Lors de l'attaque éclair de Lumilevy, Deên avait avancé sa lame pour parer le passage, après avoir compris que l'attaque à gauche était une feinte... Mais malheureusement trop tard pour arriver à bloquer sa soeur, ou pour la blesser... L'acier fendit l'air à une dizaine de centimètres derrière le corps svelte de son adversaire, et le jeune almaâri enrageait de s'être laissé berner aussi facilement... Il aurait largement pu -et du- le prévoir... Il fallait qu'il se reprenne.

Mais, il n'avait pas le temps de préparer sa stratégie, un combat se jouait sur la rapidité et les réflexes, aussi ne devait-il surtout pas s'arrêter pour réfléchir... Il n'en avait tout simplement pas le temps. Lumilevy, quant à elle, profitait pour pousser son avantage : alors que son frère commençait à se retourner, un coup de pied au niveau de ses chevilles le déstabilisa, l'obligeant à poser un pied brusquement à terre, stoppant le dangereux déséquilibre, mais bloquant totalement son mouvement... Et lui faisant perdre quelques précieux dixièmes de secondes.

La lame de l'elfe commença à se couvrir de gouttelettes étincelantes, que les yeux acérés d'Oryll et Deên remarquèrent aussitôt... Le chasseur avait déjà vu sa compagne procéder ainsi, lors de leur voyage, mais l'effet de surprise était au rendez-vous quant à l'almaâri. Celui-ci arriva à bloquer l'épée de sa soeur de justesse, sans se trouver face à elle, ce qui le mettait dans une position particulièrement précaire... Mais il n'était encore pas au bout de ses surprises : rendue glissante par la fine couche d'humidité, et les quelques millimètres de glace qui couvraient la lame, l'épée de Lumilevy était maintenant imprévisible... La lame du jeune elfe ripa, laissant passer à travers sa garde celle de son adversaire. L'épée courte laissa une fine trace sanglante le long de la cuisse de l'almaâri. Avant que plus de dommages ne soient fait, il ramena sa lame pour bloquer à nouveau celle de son adversaire. Il s'éloigna d'un bond, se mettant provisoirement hors de portée, pour lancer:

"-Voyons soeurette... C'est de la triche... Cette magie utilisée sournoisement... C'est l'arme d'une lâche!"

Au fur et à mesure que le liquide chaud coulait le long de sa cuisse, Deên enrageait littéralement... Comment avait-il pu se laisser blesser par cette traîtresse? Cette meurtrière sans honneur? Qui n'avait même pas un don exceptionnel à l'épée... Mettant cela sur le compte de la chance, pour éviter de ne totalement péter les plombs, il tenta de se calmer... Mais rien à faire, son corps tremblait de colère, et elle menaçait de prendre le contrôle de son esprit d'un instant à l'autre... Il n'était pas un berzerk, mais sa folie pouvait le changer radicalement et profondément...

Un sourire à mi-chemin entre la soif de sang et l'envie de voir sa soeur périr après d'horribles tortures se dessina sur son visage... Elle ne s'en sortirai pas à aussi bon compte... Brusquement, sans aucun avertissement, il sauta à nouveau sur Lumilevy, atterrissant à moins d'un mètre d'elle... Il se laissa tomber accroupi, et envoya un coup de pied balayer les appuis de son adversaire pendant que sa lame filait rapidement vers son flanc droit...

La magie n'avait pas pris sur sa lame, mais l'humidité rassemblée sur l'arme de Lumilevy avait suffit à la rendre glissante et imprévisible. Lorsque l'elfe sentit dans son poignet son arme s'enfoncer quelques courts instants dans la chair de son adversaire, son sourire sanguinaire ne fit que s'agrandir sur son visage pourtant si fin. Deên bondit alors en arrière, bientôt imité par sa soeur qui recommença à tourner autour de lui, comme un fauve tournerait autour de sa proie.

« Voyons soeurette... C'est de la triche... Cette magie utilisée sournoisement... C'est l'arme d'une lâche! »

A ces mots, Lumilevy s'arrêta, et se redressa, restant sur ses gardes. Elle rit fortement, comme une réponse à la folie qui semblait envahir le corps de l'homme. Lâche ? Elle ? Était-ce donc ainsi qu'il la voyait ? C'était pourtant lui qui n'avait pas eu le courage de la poursuivre, alors qu'elle était faible et sans défense, terrifiée ! Sa voix devenait sans appel, ne laissant paraître d'elle qu'une elfe sûre d'elle et de ses compétences. Mais ce n'était pas le cas. Elle serait épuisée bien plus vite que lui, surtout si elle essayait d'user de sa magie.

« Ne m'appelle pas comme ça, Deên. Je ne veux être la soeur d'un tel imbécile. Tu as tellement attendu pour venger ton père, te perdant dans la folie ! Et maintenant, que t'arrive-t-il ? N'aurais-tu pas du mal à contrôler cette folie qui s'insinue en toi, un peu plus à chaque instant ? »

Elle se remit alors à lui tourner autour, avec souplesse et discrétion, ses pas ne provoquant que quelques faibles bruits.

« Et puis me traiter de lâche... Il ne s'agit pas de triche, mais d'élément de surprise. Un duel, aussi juste soit-il, est toujours, à un moment où à un autre, interrompu par un petit secret. Tu as de toutes façons très bien remarqué que je ne suis pas au point la dessus. »

A ces mots, elle pointa sa lame humide vers son frère. Seule une petite plaque de glace était fixée à la lame, glissant le long du métal. La tension montait entre eux, les animaux de la forêt semblaient tous s'être éloignés du combat, même le plus petit insecte avait l'air d'avoir disparu de la clairière.

« Rien d'autre que ces fines gouttes n'est resté. Pas même quelques secondes. »

Mais alors qu'elle observait le visage de son frère, elle put voir un sourire terrifiant. Assoiffé de sang, sans doute Deên l'imaginait périr sous sa lame. Alors c'était ça, un sourire remplit de désir mortel... Un grand frisson parcourut l'échine de Lumilevy, qui resserra ses doigts autour de ses armes. Quelques secondes après, sons adversaire brisa ses appuis, faisant tomber l'elfe qui tenta une roulade rapide pour se relever. Dans sa chute, la lame de Deên avait touché son épaule droite, assez profondément, tandis qu'une large mèche blanche s'envolait dans les airs. Se redressant du mieux qu'elle le pouvait, la jeune elfe porta sa main gauche à son épaule qui saignait abondamment, une coupure béante traversant son bras. Il était passé aux choses sérieuses.

La douleur qui envahit son bras fit trembler ses jambes quelques instants. Elle était faible. Elle jeta un rapide coup d'oeil vers Oryll, priant pour qu'il s'en sorte vivant. Après quelques instants, elle reposa son regard vers son frère, et repartit à l'attaque, dans un dernier espoir. Il ne l'épargnerait pas.

*Vipère...*

L'Amlaâri se jeta sur le jeune homme, et lança son bras droit horizontalement vers l'épaule gauche de son frère, alors que son arme gauche partait à la verticale toucher le genou droit de son adversaire, tentant de faire aller sa lame jusqu'à la hanche de l'homme. Dans la tête de la femme résonnaient les marteaux de sa forge. Sa douce forge à Kalencia... Le temps sembla se figer autour d'elle, alors qu'elle fixait le regard haineux de Deên, et que la douleur de son épaule venait brouiller sa vision.

Voyant le coup partir vers son épaule, Deên se laissa brusquement tomber au sol, fauchant lui même ses appuis pour accélérer sa chute... Il échappa aisément à la lame qui devait frapper le haut de son corps, mais celle du bas pointait maintenant dangereusement vers son coeur et ses poumons... D'un réflexe presque surnaturel, il ramena sa lame devant celle de sa soeur, balayant l'acier mortel qui aurait pu sonner le glas pour lui... L'almaâri avait échappé à la mort d'un cheveux, mais ce n'était pas son sens de le reconnaître... Alors que Lumilevy, emportée par son élan, faisait un pas de plus dans sa direction, il se jeta sur le côté, effectuant rapidement une roulade... Lorsqu'il se releva, son adversaire semblait épuisée, affaiblie par sa blessure... La fin du duel approchait à grand pas.

Une lueur cruelle naquit dans ses yeux, et son sourire s'élargit encore... Si il continuait, il allait déchirer les coins de sa bouche, trop de joie tue la joie (et, ça fait mal). Il prit la parole, tremblant de tous ses membres, semblant hésiter entre le besoin d'étriper quelqu'un et la joie que lui procurait la situation actuelle:

"-La folie? Peut-être, en effet... Mais, ne dit on pas que la folie côtoie le génie? J'avais plus important à faire que de m'occuper de toi par le passé... Maintenant que j'ai tout mon temps, nous allons pouvoir rire ma chère soeur... Enfin, probablement moi plus que toi..."

L'elfe recommença à tourner autour de sa petite soeur... Celle-ci s'affaiblissait à chaque seconde qui passait, chaque goutte de son sang coulant à l'extérieur était une couche de fatigue en plus qui devait s'abattre sur celle-ci... Si Deên voulait gagner sans risque, il ne lui restait qu'à attendre qu'elle perde connaissance, ou alors la laisser là, jusqu'à ce qu'elle se vide du précieux liquide vital. Mais, elle n'était pas seule, et cela revint brusquement à l'esprit de l'almaâri...

Il jeta un regard à Oryll dont les yeux étaient emplis par une fureur qu'il n'avait jusque là jamais ressentie... L'homme avait à moitié remonté son arc, visiblement par réflexe et sous la tension... Mais, l'ordre donné par sa compagne de ne pas intervenir le tenait encore en respect... Pour le moment. Le frère de ladite compagne pensait n'avoir aucun mal à se débarrasser de l'humain, mais pas alors qu'il se battait... Une flèche dans le dos peut se montrer légèrement handicapante. Enfin, pour l'instant, il ne semblait pas y avoir de risque... Tant que Lumilevy serait vivante en fait.

Le fou revint à son adversaire du moment... Un à la fois, voyons... Le combat, même s'il était jouissif, commençait à le lasser... Il allait en finir... Mais, pas de la façon définitive d'une mort... Juste mettre sa soeur hors combat, et pouvoir s'occuper de son cas peu à peu, pour la faire souffrir autant qu'elle le méritait. Deên était à plusieurs mètres de sa soeur pour le moment, pour la rapidité, ce n'était pas le mieux... Les cercles qu'ils décrivaient autour de l'elfette se firent de plus en plus serrés, jusqu'à ce qu'il se jette brusquement sur elle, d'abord en ligne droite, puis se jetant sur son côté gauche pour éviter une riposte facile... Reprenant ses appuis rapidement, il sauta pour atteindre son ennemie, sa lame pointée vers la cuisse de la jeune femme, il fallait la mettre à terre pour la suite de son plan...

L'attaque de Lumilevy était lente mais brutale, mais fut magnifiquement bien évitée par Deên. Sa dernière chance de pouvoir le blesser venait de lui filer entre les doigts. Ces longs doigts fins le long desquels coulait de plus en plus de sang... Emportée dans son élan, l'Almaâri dut faire une roulade sur le côté pour se relever, accentuant la douleur tiraillante qui semblait lui arracher l'épaule à chaque mouvement, brûlée par le frottement de ses plaques d'armure contre sa blessure. Elle ferma les yeux quelques instants, un genou à terre, le bras droit pendant le long de son corps, de longs sillons de sangs le recouvrant. L'elfe porta alors à nouveau sa main gauche à son épaule, glissant ses doigts entre les plaques métalliques, mal ajustées, sans doute abîmées par le petit tour dans les égouts de Taâk'in. Lorsque ses doigts entrèrent en contact avec la large coupure, Lumilevy laissa échapper un faible gémissement de douleur, fermant par la même occasion les yeux, essoufflée.

Quand elle redressa la tête, elle put voir son frère lui tourner autour, encore et encore, attendant le meilleur moment pour fondre sur sa proie à terre, se vidant de ses forces et de son sang, toute son énergie de déversant en flots rougeâtres. La voix de Deên siffla alors à ses oreilles comme une lame très aiguisée, prête à vous trancher la gorge.

« La folie? Peut-être, en effet... Mais, ne dit on pas que la folie côtoie le génie ? J'avais plus important à faire que de m'occuper de toi par le passé... Maintenant que j'ai tout mon temps, nous allons pouvoir rire ma chère soeur... Enfin, probablement moi plus que toi... »

Un rire nerveux s'échappa alors de la gorge de la jeune elfe, tandis que son frère hésitait entre la laisser mourir lentement, se vidant de son sang, et la tuer lui-même. Quand sa pulsion se calma, elle redressa la tête et adressa un sourire à Oryll, faible et souffrant, mais avant tout amoureux. Il devait trouver le moyen de fuir, la laisser là, et survivre coûte que coûte. Elle hocha la tête en sa direction, avant de se remettre sur pieds dans un dernier effort, se tenant la plus droite possible. Lumilevy rengaina l'une de ses lames, et saisit la seconde à deux mains, concentrant difficilement son regard sur Deên, sa vue se brouillant toujours un peu plus, essayant de concentrer son attention sur les sons qui lui provenaient... Ce qui s’avérait presque aussi difficile que de voir, ses oreilles sifflant, provoquant une grande douleur crânienne...

En bref, l'elfette était vraiment fichue. Attendant l'attaque de son frère, Lumilevy le fixait du mieux qu'elle le pouvait, tanguant d'un pied à l'autre, perdant ses appuis, et tout ce qui pouvait la raccrocher au plus mince espoir. Elle sentit alors Deên se rapprocher d'elle, resserrant ses cercles autour d'elle, l'enfermant dans son aura folle et malsaine, froide, glacée. Plus il se rapprochait d'elle, et plus elle pouvait sentir son désir de vengeance, sa soif de sang. C'est alors qu'il décida de mettre fin à ce combat, la déséquilibrant, puis pointant son épée vers la cuisse de la jeune femme. Dans un dernier élan, elle plaça sa lame, désespérée, dans la trajectoire de celle de son frère. Mais propulsée par l'élan et la force de celui-ci, elle ne put que faire quelques faibles pas en arrière, encore moins stable qu'auparavant.

*C'en est fini.*

Le choc des deux lames se répercuta dans l'épaule de Lumilevy, qui hurla alors de douleur, et s'effondra à genoux, lâchant son arme, un regard haineux dirigé sur son-dit frère...

Deên fut quelque peu déçu par la chute de la jeune femme... Il voulait s’amuser encore un peu, profiter de la situation pour l’humilier devant tous, ses hommes comme son compagnon… Montrer à quel point elle était faible, prouver sa supériorité… Et, alors qu’il allait finir de la ridiculiser, sa sœur abandonnait ? Le combat était fini ? L’almaâri n’était pas vraiment heureux de cette conclusion… Le combat tombait à plat… Il n’était pas réellement épique, et surtout il était trop facile… Sa parente n’avait pas eu l’ombre d’une chance, pas de risque… « A se battre sans risque on triomphe sans honneur » disait le dicton… Et, Deên voulait prouver qu’il n’était pas si banal que cela…

Il secoua la tête plusieurs fois avec un air mi désolé, mi déçu… Que dirait son père devant un tel combat ? Comment réagiraient ses ancêtres ? C’était pour eux qu’il se battait ! C’était pour eux qu’il avait affronté sa sœur ! De rage, il leva les yeux vers les étoiles qui peuplaient les yeux, criant sur un ton qui exprimait toute sa frustration:

« -Pourquoi ?! »

Il s’approcha de sa sœur avec les yeux fous, visiblement furieux du manque de combativité de la jeune femme… Elle-même lui rendait son regard haineux, et lui ne semblait comprendre pourquoi… C’était lui le floué dans l’histoire ! S’accroupissant devant sa sœur dépourvue de force, il lui passa les mains sous le menton et l’agrippa, pour l’obliger à le regarder. Ses deux pupilles étaient dilatées, son iris tirait maintenant au rouge… Son regard se planta dans celui de Lumilevy, forcée par la main de son frère à soutenir cette œillade folle. D’un ton bas et vicieux, il dit, juste assez fort pour que tous puissent entendre :

« -Que t’arrive-t-il petite sœur ? Tu es déjà épuisée ? Tu n’arrives plus à tenir sur tes jambes ? Il te faut de l’aide ? »

Un sourire sadique naquit sur les lèvres du frère qui reprenait la parole :

« -Tu n’aura rien de tout cela. Mais, je n’en ai pas fini avec toi… Il nous reste des comptes à régler… Je veux te faire comprendre l’horreur de ton acte… Et tu payeras le prix du sang. »

Il se releva, retournant vers ses compagnons Almaâri, et alors qu’il s’apprêtait à se fondre au milieu des fourrés et des feuilles de silverleaves, aussi silencieux qu’une ombre, il jeta par-dessus son épaule :

« -Emparez-vous d’elle, et amenez là… Et, débarrassez-vous du garçon. »

Et, Deên se fondit dans les ombres, sans un mot de plus après cette phrase de funeste augure pour les deux compagnons… Ses hommes quant à eux restèrent sur place, et échangèrent des œillades pendant plusieurs secondes… Puis, une partie suivit leur chef, deux s’avancèrent pour soulever Lumilevy, et trois vinrent pour Oryll… Cette fois ci, au contraire de leur chef, ils n’avaient pas spécialement l’air de s’amuser… Ils ne partageaient visiblement pas son goût pour le sang et la souffrance… Comme quoi, tous les elfes du crépuscule ne sont pas des psychopathes à l’instar de la famille Vapaa.

Les deux qui allaient s’emparer de la jeune femme n’étaient pas les plus forts de la bande, ils serviraient juste de porteur car ils n’avaient ni le talent ni la force pour éliminer Oryll… Les trois autres en revanche semblaient plus expérimentés… L’un d’entre eux portait une longue épée à deux main, l’autre deux épées courte, et le dernier une masse… Et après, on dit que les elfes font dans la finesse, et sont délicats ?

Oryll avait regardé tout le combat avec un œil à la fois inquiet et prudent… Son regard passait sans arrêt des duellistes aux autres personnes sur place, visiblement inquiet de leur réaction… Si leur chef se faisait tuer, sans doute n’hésiteraient-ils pas à sauter sur l’elfe et le chasseur pour les tuer… Ce que l’humain ne voulait absolument pas… L’idée qu’ils puissent trouver la mort dans ces bois ne lui semblait pas vraiment… Enviable ? Ou sympathique ?

Il tenait toutefois son arc à la main, conscient que malgré sa volonté, les almaâri n’hésiteraient pas une seconde à se jeter sur eux… Lorsque Lumilevy fut blessée pour la première fois, à l’épaule, il grimaça, et retint son bras qui le poussait à tirer une flèche sur le frère de sa compagne… Il n’avait réellement pas envie que cela se finisse comme cela… Mais il n’en fit rien. Il pouvait comprendre le concept d’honneur et de règlement de compte dans une famille, surtout que s’il mettait fin à la vie de leur chef, ses compagnons n’hésiteraient pas à les trouer de milles orifices. Rapidement.

Par contre, lorsque la jeune elfe fut à terre, le chasseur ne put retenir son bras qui se releva instinctivement, mettant Deên en joue… Il pouvait le tuer ce fumier… Mais, celui-ci se plaça derrière Lumilevy, ne lui laissant pas la chance de l’atteindre maintenant… II devait attendre et laisser faire, malgré le fait qu’il détestait cela… Quand le sois disant frère de la femme se retira, il voulut lui tirer dessus… Mais il était parmi ses hommes… Aucune chance de le toucher… Pestant contre la malchance qui l’empêchait d’atteindre sa cible, il crachat sur le côté, histoire de se détendre un peu… Et de soulager sa frustration. Ce qui se montra totalement inutile lorsque le jeune homme qui s’éloignait dans la nuit, sous les arbres où Oryll ne l’apercevait qu’à peine lança :

« -Emparez-vous d’elle, et amenez là… Et, débarrassez-vous du garçon. »

Le rôdeur reprit instantanément sa position de tir, pour dissuader quiconque d’approcher… Il était meilleur à distance qu’au corps à corps, et si personne ne pouvait s’approcher, Lumilevy était sauvée… Sauf que cinq almaâri à la fois, c’est un peu trop pour un seul arc… Il dut faire face à un dilemme terrible : Rester sur place pour essayer de protéger la femme qu’il aimait, ou fuir pour lui venir en aide plus tard… Son esprit tournait à toute vitesse… Il ne pourrait la sauver maintenant, son suicide ne servirait à rien… Il dut se faire violence pour accepter l’idée qu’il allait devoir la laisser tomber… Pour le moment.

Il lâcha brusquement la corde de son arc, libérant la flèche qui partait en direction de l’almaâri aux deux épées… C’était le plus dangereux d’après lui, il lui fallait s’en débarrasser au plus vite… Avec un dernier regard emplit de souffrance et d’amour pour la jeune femme, il tourna les talons pour courir s’enfoncer dans la forêt… Il put entendre les bruits de courses derrière lui qui attestaient qu’on continuait de le poursuivre…

Pendant qu’il traçait à travers la broussaille, le jeune homme essaya de remettre une flèche sur la corde de son arc et de le tendre, mais la première tomba à terre… Il prit le temps de la briser en deux avec son pied, pour s’assurer qu’on ne pourrait l’utiliser contre lui, et essaya à nouveau de préparer son arme… Il finit par y arriver, et lancer une flèche en arrière sans vraiment regarder vers où… Il eut la joie et le bonheur de l’entendre se ficher dans un arbre… Il allait lui falloir recommencer… Ou pas. Il raccrocha son arc dans son dos, puis agrippa l’une des branches au-dessus de lui… Grâce à sa souplesse, il put se hisser rapidement dessus, et attendre ses poursuivants… A peine passaient-ils sous lui qu’il sautait, son épée et son stylet à la main, bien décidé à leur enfoncer ses armes dans le dos…

Epuisée, le souffle court, et un genou à terre, la jeune elfe regardait son frère droit dans les yeux, malgré sa vision qui devenait chaque instant un peu plus floue, garder les yeux ouverts devenant douloureux, luttant pour ne pas s'effondrer. Elle pouvait voir la frustration gagner Deên, la colère, la haine envers elle. Un sourire ironique se dessina sur les lèvres de la jeune femme alors qu'il se rapprochait d'elle, le regard fou, et quand il la saisit au visage, une grande envie de le gifler de toutes ses forces lui prit, tendant les muscles de ses bras tandis que le sang coulait de plus en plus le long de son coude nu, son armure frottant, pénétrant sa plaie. La voix qu'il employa pour lui parler créa un large frisson dans le dos de Lumilevy qui ne pouvait quitter le regard froid, glacé, noir de son frère, alors que son sourire carnassier transformait son visage.

« Que t’arrive-t-il petite sœur ? Tu es déjà épuisée ? Tu n’arrives plus à tenir sur tes jambes ? Il te faut de l’aide ? Tu n’aura rien de tout cela. Mais, je n’en ai pas fini avec toi… Il nous reste des comptes à régler… Je veux te faire comprendre l’horreur de ton acte… Et tu payeras le prix du sang. »

A ces quelques mots, la rage de l'Almaâri explosa, et elle lui cracha au visage un mélange de sang et de salive, alors que ses doigts se resserraient sur le pommeau de ses lames.

« Tu n'es qu'une pourriture, Deên. Je me serais bien passée de ta fraternité. Je me serais bien passée de ta délicate visite. »

Elle releva sa main gauche et agrippa l'une de celles de Deên, lui plantant les ongles de ses gants métalliques dans la peau, lui en arrachant des petits lambeaux. Quand il la relâcha enfin pour retourner vers ses compagnons, elle tenta de se relever avec difficultés, mais s'effondra à genoux de nouveau, chacun de ses mouvements déplaçant les plaques métalliques composant son armure, salissant encore un peu la large blessure qui s'étalait sur son épaule. Elle saisit alors difficilement l'une des petites lames qu'elle avait taillé dans les bois du cerf, et la lança le plus brutalement possible dans le dos de son frère, mais celle-ci ne fit que rebondir avec un bruit sourd contre le cuir de son adversaire. Sa voix se déchira alors en en cri rauque et souffrant lorsqu'elle se releva vraiment en s'appuyant sur ses lames.

« Tu ne mérites pas de vivre, fils de Vâr ! Tu n'es rien, chien ! »

Elle tenta un pas en avant, mais sentant ses jambes se dérober sous son poids, elle abandonna la quête de l'avancée pour fixer le dos de l'Almaâri avec haine. Lorsqu'il s'enfonça dans le sous bois en ordonnant qu'Oryll fut tué, son regard se dirigea vers celui-ci qui bandait son arc vers les sbires du plus gradé, et effrayée pour lui, elle lui intima de fuir d'un mouvement de tête, le suppliant du regard. Elle vit alors fuser un flèche vers l'un des Almaâris qui se dirigeaient vers lui et eut le bonheur de la voir se ficher dans son épaule avec un bruit mat. Désespérée, elle le regarda s'enfuir, poursuivi, après un bref regard souffrant.

Restant ainsi à fixer l'endroit par lequel celui qu'elle aimait venait de disparaître, elle se laissa saisir douloureusement et abandonnant toute tentative de fuite ou de lutte, suivant les siens sans broncher, ne tardant pas à perdre conscience entre leurs mains.

| Une ville. Une très grande ville. Perdue au milieu des arbres, vide. Une place, ornée d'une fontaine unique. Et sur cette place, une elfe. Ah, c'était elle, tiens. Seule. Puis des barreaux, tout autour de son corps, une cage trop petite, trop serrée, trop basse, la forçant à s'asseoir tassée, les jambes ramenées contre sa poitrine. Au loin, un hurlement de douleur, un vol d'oiseaux sombres fuyant ce cri sinistre. Puis au milieu de la place, face à la cage, seul et ensanglanté, le rôdeur, s'effondrant, raide mort, aux pieds de l'elfe. |

Lumilevy reprit connaissance la gorge sèche, son bras la faisant toujours plus souffrir. Elle était sur le dos d'un des Almaâri qui se déplaçaient vite et avec légerté. Ils l'emmenaient là où elle serait jugée. La ville principale de Silverleaves, se perdant là où personne d'une autre race n'est alors jamais allée. Au coeur du secret de ce peuple. Bientôt, elle serait condamnée. Perdant tout espoir, elle leva les yeux vers la voûte sombre des arbres qui étendaient leurs branches au dessus de leur tête. A quelques rares endroits perçaient un fin rayon de lune, cette lune qui commençait à descendre dans le ciel, annonçant l'aurore prochaine. La lueur du soleil serait bien douloureuse, sur les yeux fatigués de l'elfe...

Deên continuait dans les sous-bois, marchant à bonne allure, alors que sa petite troupe délestée de trois de ses membres le suivaient, comme de bons hommes de mains qu'ils étaient. Les feuille bruissaient autour d'eux, agitées par le vent, et on pouvait entendre ici et la le bruit d'une branche qui craque, écrasée par une quelconque bête peuplant Silverleaves... Mais, les elfes quant à eux étaient parfaitement silencieux, semblant léviter au dessus du sol de la forêt touffue, ne provoquant pas le craquement d'une branche ou le bruissement de la canopée qui s'étendait tout autour d'eux.

Se retournant pour voir comment ses soldats s'étaient occupés de sa soeur... Celle-ci gisait inconsciente, portée comme un vulgaire sac à patate par l'un des combattants... Décidant qu'il fallait la garder en vie jusqu'à son procès, et au vu du sang qui coulait le long de son bras pour semer de petite trace rouge sur le sol, sombre comparaison au conte du petit poucet, Deên lança:

"-Tss, faites attention, il faut qu'elle survive, au moins le temps que je la tue moi-même..."

Se rendant compte que, si elle n'était pas condamnée à cette voie, ce qui était presque impossible, il passerait pour ridicule, cruel, et perdrait de la crédibilité, il s'empressa d'ajouter:

"-Si elle est condamnée bien sûr."

Le porteur la descendit de son dos, dénudant son épaule pour la bander sommairement, pour qu'elle ne se vide pas totalement de son liquide vital... Mais le tissu qui avait servi de pansement s'imbiba très vite et pris une couleur rougeâtre alors que Lumileyv était à nouveau chargée sur son épaule. La marche repris entre les arbres qui se faisaient de plus en plus gigantesques à mesure qu'ils s'enfonçaient dans la forêt...

La guerrière inconsciente s'agita un peu, attirant l'attention de toute la petite troupe qui se retourna, sans toutefois stopper la marche, pour voir ce qu'il se passait... Mais elle n'était pas réveillée... Les hommes se lassèrent bien vite du spectacle et leurs regards se portèrent à nouveau vers l'avant, silencieux comme des ombres... Deên quant à lui espérait que c'était la douleur qu'il avait infligé à sa soeur qui la tourmentait ainsi dans son "sommeil".

Enfin, la jeune femme reprit conscience, visiblement affaiblie... Personne ne s'en rendit compte immédiatement mais lorsque tous l'eurent vu, le chef de la bande compris, deux almaâris vinrent se placer aux côtés du porteur sur un signe du jeune homme. Mieux valait ne laisser aucune chance à Lumilevy de s'échapper. Toutefois, personne n'adressa la parole à la jeune femme : les simples soldats ne le feraient pas sans ordre de Deên, et celui-ci voulait la laisser s'imaginer tout ce qui allait arriver, voir l'espoir quitter son visage, peut-être même le supplierait-elle... Quel plaisir ce serait! Mais enfin, il fallait d'abord arriver en ville...

Du côté d'Oryll, tout n'était pas tout rose non plus... Les trois traqueurs avançaient avec prudence, scrutant autour d'eux, légèrement inquiets de ne pas trouver trace de leur proie... Ils l'avaient perdu de vue un instant, et voilà qu'ils devaient s'exposer à toute sorte de dangers... Le blessé était au milieu des trois, on lui avait ordonné de tuer le jeune homme aussi devait-il obéir, mais il ne souhaitait pas se faire tuer, surtout au vu de son état actuel... Il avait lui même arraché la flèche de son corps dans une grimace, mais son bras gauche était presque complètement immobilisé, il ne pouvait clairement plus se battre avec... Tenir une épée était au delà du possible pour ce membre dorénavant inutile.

Les armes étaient dégainées, prête à l'emploi... Mais dans ces fourrés, il était difficile de manier à pleine puissance une épée à deux mains, on n'avait ni l'élan ni la maniabilité nécessaire... Dans une clairière en revanche, il serait possible aux deux almaâris maniant des armes lourdes de se débrouiller plus que bien. Restait à prier pour que l'humain qu'ils cherchaient se montre assez stupide pour les attaquer en terrain découvert. L'homme à la masse était à droite, le blessé au centre, et l'épéiste à gauche... Ils étaient en formation presque triangulaire : le blessé légèrement plus avancé, les deux autres en retrait... Ils se glissaient dans les fourrés aussi discrètement que possible, se fondant dans les ombres...

Finalement, le blessé repéra des traces de pas et cria:

"-Il est passé par ici! Vite!"

Et les trois personnages s'élancèrent sur la piste de pas qu'avait laissé Oryll... Presque au pas de course, leur vigilance baissa quelque peu, d'autant plus qu'ils étaient tous trois concentré sur les traces pour ne pas les perdre dans les sous-bois de Silverleaves... Quelques feuilles recouvraient le sol par endroit, et il leur arrivait de perdre pendant quelque instant la piste de l'humain... Mais jamais très longtemps.

Soudain, ils purent tous entendre un rapide déplacement d'air derrière eux, et l'homme à la masse regarda ses deux compagnons d'un air exorbité... Il ne comprenait pas ce qui arrivait... Mais, une pointe d'acier transperçait son torse, à travers sa légère armure de cuir. Un visage se matérialisa au dessus de son épaule, un sourire carnassier sur ses lèvres. Tout le corps de l'humain tremblait, ses yeux étaient dur, froids, assassins... Il serait sans merci.

Les deux combattant restant restèrent figé un moment, la peur passant brièvement sur leur visage... Puis se lancèrent à l'assaut. Celui qui possédait l'épée à deux main pris le peu d'élan que l'espace entre les arbres lui permettait avant de balancer son imposante arme en direction du jeune homme, toujours derrière leur camarade décédé... Le blessé resta un peu en arrière, contournant doucement Oryll pour le prendre à revers, mais avec prudence... Il ne voulait pas se faire remarquer, et prendre un coup qu'il savait qu'il aurait du mal à parer.

Les mains tremblantes, le jeune chasseur ne s'était pas permis de réfléchir plus de quelques millièmes de seconde avant de sauter, de peur de se dégonfler, ou de rater ce timing qui lui apparaissait comme parfait pour tomber sur le dos des elfes sous lui. La chute fit voler sa cape autour de lui, dans un bruissement feutré, et il ressenti même du plaisir lorsque sa lame s'enfonça dans le dos de sa cible... Un raté aurait plus que probablement signifié sa mort, et en être passé aussi près sans tomber dans se griffes le satisfaisait bien assez comme cela. Toutefois, il avait encore deux adversaires à vaincre, et n'était clairement pas tiré d'affaire, les almaâri étaient réputés pour être d'excellent guerriers, qui plus est en milieux forestier.

Et, il ne croyait pas si bien dire : Sans plus de délai dans la réaction, l'homme armé de sa lourde épée à deux mains amorçait un coup pouvant s'avérer destructeur. Le rôdeur pivota sur lui même, toujours le corps entre les mains, pour s'en servir de bouclier de chair... Stratégie qui s'avéra utile puisque la lame ne traversa pas le cadavre entièrement, à cause du peu d'élan disponible dans le sous-bois. Oryll fit glisser sa dague hors de la plaie béante qu'il avait lui même ouverte (plaie qui n'était d'ailleurs rien en comparaison de celle qui venait de faire son apparition sur le torse de la victime). Cet énorme blessure fit remercier les dieux au chasseur, ou tout du moins une quelconque puissance supérieure... Ca aurait très bien pu être lui à la place de l'almaâri qui gisait dorénavant au milieu des feuilles.

Mais, il n'avait guère le temps de penser à cela, il était actuellement dans une position de crise... Et c'est peu dire. Il avait moins d'allonge que son adversaire, mais celui ci était à présent en train de dégager son épée du cadavre, et d'armer un nouveau coup... Le rôdeur se jeta sur le personnage, ses armes en avant pour tenter de l'achever avant d'accuser une riposte plus que probablement mortelle... Mais, la chance ne peut pas toujours durer, et il n'avait pas eu le temps d'ajuster son coup, aussi ses deux lames ricochèrent, l'une sans plus faire d'effet, mais l'autre entailla profondément le flanc de l'épéiste, même si c'était bien peu de chance devant les dégâts qu'il avait espéré causer au départ.

Il se jeta sur le côté droit, effectua une brève roulade pour se relever, mais n'aperçu que trop tard le second almaâri encore en vie, qui brandissait une dague, juste sous ses yeux... Il tenta d'esquiver, mais bien trop tard... Quoique le mouvement lui sauva peut-être la vie. Le coup qui était fait pour l'éventrer rata sa cible, et seul le pectoral gauche d'Oryll fut touché, bien qu'il saigna abondamment, ce ne serait pas mortel... S'il pouvait stopper l’hémorragie. Toutefois, l'assassin blessé perdit l'équilibre, et vint directement s'empaler sur la dague du rôdeur, qui elle était en train de remonter vers la gorge de l'homme. Il fit quelques pas en arrière pour fixer à nouveau l'homme à l'épée qui semblait perplexe face à la situation: deux amis morts, et personne aux alentours... Le combat était serré, d'autant plus qu'ils étaient tous deux blessés.

Le jeune homme porta un regard sur sa blessure qui saignait toujours autant... S'il voulait survivre, et surtout avoir la force d'aller sauver sa compagne, il allait lui falloir finir ce combat rapidement. S'armant de ce qu'il lui restait de courage, et appelant au talent qu'il espérait posséder en quantité suffisante pour battre cette adversaire, il se prépara au combat... Brusquement, il bondit en avant, projetant sa dague du même mouvement, puis fit un pas à gauche avant de continuer sa course, légèrement de diagonale pour éviter à tout prix un coup d'épée destructeur... Il brandit sa dernière arme, son épée courte, en direction de son adversaire puisqu'elle était bien plus maniable que l'estramaçon de ce dernier, sa frappe ayant pour but la gorge de celui-ci.

[Désolé pour le temps de réponse, on s'est pas vraiment bien entendu sur l'ordre de passage, et on a mit ça au clair très récemment]

Portée par les gardes de son frère, Lumilevy sentait ses forces l'abandonner au fur et à mesure du trajet. Son regard se perdait sur les hautes frondaisons l'entourant, et ses doigts fragiles se serraient parfois nerveusement sur la tunique de cuir de son porteur. Sa tête ballotant sans énergie d'une côté à l'autre sous le léger rythme de l'Almaâri, la jeune elfe sentait les larmes couler silencieusement sur son visage sombre et sale, tandis qu'elle passait le dos de sa mains ensanglantées sur ses joues humides, déposant du sang chaud sur sa peau fraiche et dans ses cheveux blancs collant à son front et ses tempes, tombant alors devant son regard vide. Son bras et son épaule étaient endoloris, la douleur submergeais son corps, et elle devait serrer les dents pour ne pas laisser entendre sa souffrance.

Alors que le petit groupe avançait, posant les yeux sur sa droite, la jeune femme vit une chouette grise prendre son envol, et passer au dessus de sa tête dans un froissement d'ailes délicat, et un faible hululement. La liberté. Cette douce vision de l'oiseau libre, chassant sans doute pour se nourrir et nourrir sa famille, restait fixée dans la mémoire de Lumilevy. Le désespoir, qui jusqu'alors l'avait submergée, venait de laisser place à la faible lueur d'une envie de revoir des jours meilleurs, de revivre le plaisir, elle aussi, de voler d'arbre en arbre, de courir sur les feuilles froissées et de chasser le gibier pour se nourrir. Elle gardait, au fond de son âme, l'espoir de pouvoir à nouveau être libre. Son regard triste brilla d'une faible lueur, tandis qu'un infime sourire naquit sur ses lèvres collées pour le sang séché qui s'y était agglutiné. Mais le soulagement fut de courte durée, et lorsqu'elle reposa son regard sur le dos de Deên, le dégoût et la haine refirent surface, alors que son jugement avançait à chaque pas de la petite troupe. Et la troupe marchait vite.

Où était Oryll, à cette heure-ci ? Son rêve lui revint en mémoire, et son corps entier se contracta sur le dos de son porteur. Elle l'avait vu mourir à ses pieds, couvert de sang. Était-il donc mort ? Les gardes de son chien de frère avaient-ils eu raison de lui ? Un frisson lui parcourut l'échine, et elle dut retenir un sanglot pour rester fière devant les siens. Lumilevy espérait le revoir un jour, et jouir de sa liberté à ses côtés, comme elle avait put le faire durant le trajet jusqu'à la forêt. Mais pourquoi reviendrait-il à elle dans de telles conditions ? C'était du suicide. Et comment pourrait-il trouver la cité des Almaâris ? Elle-même ne se souvenait plus comment y retourner. Son emplacement était secret, et il était pourchassé. Le désespoir l'envahit de nouveau, et elle laissa retomber sa tête en fermant les yeux, ses yeux qui la brûlaient sans cesse.

Son corps glissa quelque peu sur l'épaule de l'Almaâri, provoquant un léger choc de façon à la repositionner, ce qui la ramena à la réalité la jeune femme qui se laissait aller à pleurer sa haine. Relevant la tête, elle put voir un endroit plus dégagé dans la forêt, illuminé de toutes parts par des petites flammes bleues flottantes autour des arbres aux troncs argentés, illuminant la scène d'une triste et froide couleur. Pourtant, Lumilevy ne pouvait s'empêcher d'admirer le lieu. Les arbres, immenses et massifs, étaient alors occupés par de nombreuses passerelles installées dans les branches, et reliant ces arbres sans âge. A quelques endroits, elle put apercevoir les troncs munis d'escaliers s'enroulant avec grâce autour de l'écorce, taillés à même le bois avec une finesse sans égale. La cité était magnifique, et tout respirait la pureté. Pourtant, la jeune femme se sentait oppressée. Au fur et à mesure que la troupe avançait, elle put apercevoir la fontaine qui avait fait irruption dans son rêve. Grande et majestueuse, personne n'aurait put dire de quelle matière elle était faite. L'eau qui en coulait semblait fraiche et émettait un doux son cristallin. Autour de la place, les arbres étaient ouverts à même la base, et de grands bâtiments de bois les liaient entre eux.

Son corps sembla alors voler, et sa tête vint se cogner au sol dans un choc qui l'assomma. C'était la fin du voyage.

Alors que la troupe de Deên venait d'atteindre son but en l'attente du procès à venir, les trois Almaâris à la poursuite d'Oryll tombaient au combat.

La dernier elfe restant encore debout face au jeune homme saignait largement de son flanc, et la force le quittait peu à peu. Pourtant deux fois plus large et plus grand que son adversaire, il devait s'avouer vaincu. Armé de ces dernières traces de courages ranimées par le sang s'écoulant vivement du corps de l'humain, il redressa sa lame dans un ultime effort, rassemblant ses forces dans un dernier coup, fixant Oryll qui bondit alors sur lui avec une vivacité étonnante pour son état physique.

L'elfe évita de peu la première lame jetée par le brun, et profita de son allonge pour asséner un coup de taille bestial vers la tête du jeune homme. Mais le coup fut trop lent et ne put que toucher l'épaule de son adversaire, entaillant faiblement sa peau. Au même un instant, l'Almaâri sentit une douleur effroyable se rependre dans son corps, et un liquide chaud coula dans sa gorge. La lame du rôdeur venait d'atteindre sa cible, qui s'écroula lourdement à ses pieds.

Le combat était terminé, il était largement affaibli, et le sang s'écoulait abondamment de la plaie qui s'ouvrait sur son buste. Les cadavres des trois elfes l'entouraient, couvrant le sol et les feuilles d'une couleur cramoisie visqueuse. Un léger souffle se fit entendre au loin; juste une brise froide. Au dessus des larges frondaisons se dressant au dessus d'Oyrll venait lentement une aube glacée. Les animaux nocturnes voletaient de branche en branche dans un faible bruissement, rejoignant terriers et nids, laissant alors le rôdeur seul dans cette forêt au froid silence.

» Promenons nous dans les bois
» Pépère dans les bois [ TERMINÉ ]
» Fourberies et gueule de bois [Terminé]
» Trois pouilleux chez les nudistes [Terminé]
» Traquons-les dans les bois, pendant qu'les soldats sont là... [Terminé]