La reconnaissance...

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Olaf parcourait les rues de la ville. Il y avait toujours autant de monde, mais il savait qu'il était en sécurité, ou presque : personne ne l'avait remarqué. Il faisait toujours nuit, mais la maigre lueur de la lune qui parvenait jusqu'à la rue lui permettait quand même de voir que tous les gens étaient à leurs fenêtres, sous le choque. La nouvelle que quelqu'un avait assassiné le banquier s'était répandue comme une trainée de poudre. Les gens se regardaient entre eux, méfiant, tentant de démasquer le meurtrier parmi leurs voisins. Un nouveau sentiment parcourait le peuple de la ville : la peur...

* S'ils savaient que l'homme qu'ils cherchent, c'est moi, et que je suis juste sous leurs nez ! * s'amusait l'assassin.

L'assassin savait qu'une fois sa mission accomplie, il devait retrouver son client et son capuchon dans l'auberge où ils s'étaient rencontrés. Olaf se souvenait des paroles de l'homme : " Revenez ici, je vous recontacterais. ". Il devait se rendre à l'auberge immédiatement, les informateurs de son client ayant déjà très certainement informé ce dernier. Mais Olaf devait encore faire attention à rester discret. Il savait que ce n'était pas le moment de commettre une erreur bête. Après une dizaine de minutes, Olaf arriva devant l'auberge. Il se rappelait de la route qu'il avait prise pour aller à la maison du banquier ; en effet, il possédait un bon sens de l'orientation.

* Nous y voilà ! Il y a moins de monde par ici, je ne vois plus de garde. En même temps, c'est assez loin. Bon, entrons à l'intérieur de l'auberge, en espérant qu'elle soit toujours vide, j'ai des comptes à régler et la dernière chose dont j'aurais besoin, c'est que tout le monde le sache ! *

Olaf entra dans l'auberge qui, comme toujours, était vide, hormis la serveuse qui, actuellement, faisait un solitaire au comptoir avec un air déprimé. Quand elle entendit la porte s'ouvrir, elle leva les yeux, esquissa un sourire et les redescendit quand elle vit que c'était Olaf.

"Ah c'est vous? ... Entrez... Vous voulez boire quelque chose?"

Olaf entra dans l’auberge avec la ferme attention de récupérer l’argent qu’on lui devait. A mainte reprise, on avait tenté de l’embobiner afin qu’il ne touche pas son argent. Il savait que se serait encore le cas aujourd’hui. Mais il ne comptait pas se laisser faire… Il avait avec lui la preuve qu’il avait assassiné le banquier, et, si les choses dégénéraient il savait agir en conséquence.

*Avec ma dague sous la gorge, les gens sont toujours plus coopératifs *

Il poussa la porte. Il y avait personne, ou presque. La pièce était comme dans ses souvenirs, avec les tables, le comptoir, l’escalier et le désordre sans nom qui y régnait. La serveuse, débonnaire, était concentrée sur une partie de carte. Elle le regarda avec dédain, puis retourna à ses cartes. Olaf s’attabla puis répondit par l’affirmative à la serveuse, commandant une bière bien fraîche, comme à son habitude.

* De toute façon, avec les noblons que je vais gagner, j’aurais de quoi renflouer ma bourse… Vivement qu’il arrive, le client capuchonné, je m’ennuie et en même temps je suis impatient de partir d’ici ; même si ça va ensemble, après tout. Ce n’est pas tous les jours que l’on s’apprête à gagner 500 noblons *

La serveuse apporta à la table d'Olaf un pinte de bière moussue et fraîche et, sans demander le moindre payement, elle retourna à son solitaire. Immédiatement, la porte s'ouvrit. Un homme encapuchonné entra avec un petit sac. Il se dirigeât directement vers l'assassin, s'assit à la table, posa le sac sous celle-ci et, sans découvrir son visage, il demanda d'une voix rauque qui laissait à penser avec certitude qu'il ne s'agissait pas de l'homme qui avait commandité le crime :

"Je viens de la part de notre ami commun... Comment va notre cher banquier ?"

Olaf était attablé depuis un moment, sans autre distraction que de regarder la serveuse et ses cartes. Il y avait également un autre client dans l’auberge, qu’il n’avait pas remarqué jusqu’à présent. Il était sur une table au fond avec un livre et un pichet. Il était grand et maigre, le teint pâle ; son âge se comptait sûrement en litre de vin. Il regarda Olaf sans vraiment y porter attention, et replongea son nez dans son livre.

* J’en ai marre d’attendre. Il était prévu qu’on m’attende ici avec mes noblons, et que je me barre. Au lieu de ça, faut que j’attende dans cette auberge miteuse et cette odeur pourrie avec la serveuse qui me regarde d’un sale œil. Bon, c’est toujours mieux que l’auberge du Bucheron Manchot… Par contre, j’ai eu ma bière sans rien payer. Et ça, c’est cool… Tiens ! Voilà enfin le client qui arrive. Pas trop tôt ! *

En effet, la porte s’ouvrit, sans douceur. Un homme entra dans l’auberge. C’était un homme encapuchonné qui se dirigea directement vers Olaf, il avait un petit sac. L’assassin imaginai que sa récompense se trouvait à l’intérieur, et cette pensée le faisait sourire. L’inconnu prit une chaise et posa son sac, puis déclara :

" Je viens de la part de notre ami commun... Comment va notre cher banquier ? "

Le sourcil d’Olaf se leva. Ce n’était pas le bon. La voix était différente, ça ne faisait aucun doute. Il ne savait que répondre à cette question. Olaf comprit de cette phrase que l’inconnu savait ce qui était arrivé au banquier, et insinuait qu’il savait également qu’il l’avait tué.

* C’est un piège, c’est sûr. Si je dis au type qu’il est à plat ventre dans une marre de sang… Et le gars a également dit qu’il venait de la par d’un ami commun. Je ne suis pas sûr de bien comprendre…. Parlait-il de mon client, ou du banquier. Je vais partir de l’hypothèse qu’il parle de mon client, mais il ne faut surtout pas que je me trahisse. Ce type ne m’inspire pas confiance… Si c’est un mec qui veut me faire avouer que j’ai commis le meurtre pour ensuite m’arrêter. Autant resté évasif…. Ce serait bête de commettre une erreur de débutants...*

Olaf ne répondit pas tout de suite à l’inconnu. Il marqua une pause de quelques secondes et dit :

« Eh bien écouter, j’ai appris la nouvelle. Figurez-vous que tout son petit réseau de rebelles s’est écroulé avec lui. ! Le tueur ne s’est toujours pas fait coincer d'ailleurs… »

Sans paraitre surpris le moins du monde, l'homme continua de parler, comme si la conversation était normale.

"Nan en effet, le tueur ne c'est pas fait coincé, et c'est une bonne chose, il est sûr que ses employeurs l'aurait fait taire en prison pour s'assurer de ne pas être mouillés. Pour ce qui est de son réseau, on m'a dit qu'il n'était pas encore tombé au contraire, et d'ailleurs, il semble fort possible que le même assassin soit engagé pour les liquider... Enfin si ça l'intéressait, évidemment, difficile à savoir comme ça. Qu'en pensez vous?"

Olaf était embarrassé par la réponse de l'inconnu et de son capuchon. L'homme avait compris qu'Olaf avait commit le meurtre, mais il semblait avoir oublié un petit détail...Enfin, un petit détail, mais pas pour tout le monde...

* Non mais il me prend vraiment pour un con ce type ! Il croit qu'il va me donner une nouvelle mission et s'en tiré comme ça ! Et ma récompense ! Il ne va pas m'obliger à le tuer quand même. La serveuse est dans ses cartes, le client du fond lit un bouquin... Je vais faire allusion à la récompense de l'assassin et si je n'obtiens pas ce que l'on me doit, alors il le paiera de son sang ! Ce n'est pas la première fois que je ferais ça, et ça ne sera sûrement pas la dernière... Dans tous les cas, c'est un plan à n'utiliser quand dernier recours... Je ne tiens pas à finir en prison. *

Olaf Sildur réfléchit à une allusion sur la récompense de l'assassin, tout en restant dans l'ambiguïté, de manière à ce que l'homme comprenne qu'il veut sa récompense avant toute chose, tout en faisant genre que ce n'est pas lui l'assassin. Loin d'être pusillanime, Olaf était toutefois prudent, ce qui vaut mieux dans son métier. Son expérience lui avait appris que la règle d'or quand on est assassin était de ne jamais entreprendre quoi que ce soit qui mettrait en doute son lien avec le meurtre. Olaf imagina donc une réponse, dans l'optique de recevoir la récompense qu'il convoitait, mais en restant discret.

" Je pense surtout qu'avant d'entreprendre quoi que ce soit, le meurtrier voudrait d'abord toucher sa récompense ; non pas qu'il n'ait pas confiance en ses employeurs, mais bon, question de principe, voyez-vous... "

L'homme se recula sur sa chaise, pour avoir le dos parfaitement collé au dossier, et, souriant, il poussa doucement de son pied le petit sac sous la table pour que celui-ci touche la jambe de l'assassin.

"Oh, je pense que l'assassin n'a pas à avoir peur, je suis sûr que ses employeurs sont des hommes fiables qui savent reconnaitre la valeur quand ils la voit... Néanmoins je pense que l'homme saura rester discret avec le payement... Ne pas le dépenser trop vite... Attendre que son contact soit repartie avant de le prendre, ce genre de chose... Imaginez si en plus, à l'intérieur du sac, se trouvait un morceau de parchemin sur laquelle serait écrite l'adresse d'une auberge où une chambre déjà payé attendrait l'assassin pour que celui-ci puisse dormir dans un lieu sécurisé ou quelque chose comme ça! Cela serait comme dans un roman!"

Olaf sentie le sac de l'inconnu contre sa jambe, et écouta son monologue avec attention. Personne ne prêtait attention aux deux hommes, le patron n'était toujours pas arrivé, Olaf imagina qu'il était encore en train de faire un trafic quelconque, mais de toute façon, peu importe. L'assassin avait également fini sa bière, dans un léger rot.

* Mais qu'est-ce que je peux être bête, pourquoi n'ai-je pas compris que je pouvais récupérer le sac ? Quant aux conseils du type, je ne vois pas pourquoi je les suivrais. Après tout, c'est mes noblons maintenant. 500 noblons ! Ca faisait longtemps que je n'avais pas une telle somme ! Dans tous les cas, il a raison de dire d'attendre qu'il soit partie pour prendre le sac, ça ne serait pas prudent. Si on me demande ce qu'il y a dedans, je vais me retrouver malin, moi ! Ce serait génial que j'aie une chambre potable aujourd'hui. Je n'ai pas peur mais bon, c'est toujours ça de prit ! Par contre, des romans, il devrait arrêter d'en lire, le gars. Je crois que ça lui monte un peu à la tête. *

Olaf réfléchit, pesa le pour et le contre pour savoir s'il allait accepter une nouvelle mission. Liquider les membres d'un réseau de mafieux n'était pas aisé. Toutefois, la désorganisation qu'il avait certainement crée au sein du réseau en tuant le banquier devrait l'aider à remplir sa tâche, s'il l'acceptait bien sûr. D'un côté, il doutait de réussir, mais de l'autre il voyait une nouvelle fois l'occasion de se venger, et les noblons à gagner. Olaf considéra un moment l'inconnu en face de lui, et dit :

" Evidement, vous avez raison. La discrétion est importante. De plus, si la récompense est assez conséquente, je suis certain que l'assassin acceptera d'éliminer les membres du réseau, finir le boulot qu'il avait déjà commencé avec cet assassinat. D'ailleurs, avez-vous remarquez la peur des gens dans la rue et aux fenêtres, face à cet incident ? Le climat qui règne sur la ville n'est plus le même, à présent... "

"Voilà qui serait parfait, mon ami! Et bien je dois retourner travailler moi! Peut être nous retrouverons nous demain matin dans ton auberge!"

L'homme se leva et, sans un geste ni un signe, s'en alla.

Olaf Sildur regarda l’homme quitter l’auberge d’une manière presque triviale, et se demanda à quel moment avait-il pu imaginer qu’ils étaient amis. L’assassin resta un instant à l’auberge, à réfléchir sur la suite des événements. Il s’était réjoui de la chambre qu’il avait déjà à l’auberge, le soulageant ainsi du poids de devoir trouver un endroit discret où dormir. Et Olaf avait faim, et l’optique d’un bon repas chaud lui arracha un sourire. Il se sentait en sécurité, après le stress qu’il avait subi pendant cette journée riche en péripétie. L’inconnu lui avait laissé son sac avec - du moins il l’imaginait – sa récompense et sa chambre à l’auberge. Olaf se dit que la vie était assez clémente avec lui, et il espérait que cela continue. Il se leva, fit un clin d’œil à la serveuse, et poussa la porte de l’auberge avec empressement.